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Semaine Sainte 2022

En présence du Frère Charles Ruetsch op

  Dimanche des Rameaux (10 avril)

  Lire ou écouter l’homélie ici !

En présence des frères Nicolas Tixier op (Provincial des frères de la Province France) et Matthieu-Marie Trommer op

  Jeudi Saint (14 avril)

Psaumes de Pénitence à 11h30
La Cène à 18h (la route de Chalais sera ouverte à partir de 17h)
Sermon du Seigneur à 20h45
suivi d’un temps d’adoration

Prédication du fr Nicolas Tixier op :

Le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart-Monde racontait une visite surprenante qu’il avait reçue alors qu’il œuvrait dans un bidonville de la région parisienne, à Noisy-le-Grand dans les années 50. Il s’agit de la visite du nonce apostolique Mgr Paolo Marella. Cette histoire est tellement belle, je trouve, tellement évocatrice que ce n’est pas la première fois que je m’en empare. Je laisse le père Wresinski lui-même nous la raconter :

« Un jour Mgr Marella était venu me voir dans un bidonville de la région parisienne. Il était dans une immense limousine, extraordinaire, et je trouvais extraordinairement merveilleux qu’il soit dans cette limousine. Je trouvais que c’était vraiment sa place d’être dans cette limousine. Parce que moi, ce qui m’intéressait ce n’était pas la limousine de cet évêque, c’était son cœur. Et celui qui est devenu plus tard le cardinal Marella est venu dans ce bidonville avec sa limousine et il a traversé le bidonville, et les gens l’ont regardé, puis il est arrivé à notre petite chapelle et il s’est mis à regarder le bidonville du haut de notre petite chapelle, puis les gens sont venus les uns après les autres et il a regardé les gens comme le Christ regardait la foule. Et il a eu pitié de cette foule, il s’est mis à genoux et il a pleuré. »

Le prince de l’Église à genoux qui pleure devant la foule des pauvres, quelle image forte ! N’évoque-t-elle pas avec une immense force la beauté du serviteur au tablier noué, la noblesse de celui qui s’abaisse pour laisser son frère et sa sœur s’élever ?

Il est bien là le cœur du message de Jésus ce soir. Revêtant le tablier du service, voici qu’il se met à les servir, eux qui l’appellent « maître ». Et nous, nous méditons sur cette folie et nous le contemplons, ce Dieu qui s’abaisse, qui s’anéantit. Ce triduum pascal s’ouvre à peine que déjà nous voici plongés au cœur de ce qu’il est venu nous dire intimement, à chacun et chacune d’entre nous. Venu du ciel, il nous indique le chemin du ciel, en nous apprenant aujourd’hui que le chemin du ciel commence parfois par le chemin du sol.

Ce chemin du sol, chemin du service, chemin du frère, il trouve son origine précieuse dans l’Évangile lui-même. Il s’origine dans ce rappel ultime que nous avons entendu au début de la page qui vient de nous être lue : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Le serviteur sert, parce qu’il est venu pour se donner, et se donner jusqu’au bout. Et son tablier de service ne le quittera plus, même s’il changera d’aspect. Devenu tunique sur la croix, et bientôt linceul au tombeau. Plusieurs tissus pour une même fonction : le tablier du serviteur aimant.

Ce soir, nous retrouvons le fil et le sens de notre histoire. Peut-être faisons-nous mémoire de tous les visages de serviteurs et de servantes qu’il nous est arrivé de croiser sur notre route, des hommes, des femmes qui nous ont rappelé que l’humanité est belle quand elle est humaine, c’est-à-dire capable d’honorer les plus petits et les plus fragiles en son sein. L’humanité est belle quand elle se révèle capable de servir l’humanité. Peut-être aussi nous souvenons-nous de moments de grâce où nous avons su être les serviteurs inutiles qu’il fallait être alors.

Nous avons alors goûté que le service nous élève. Il nous rend légers de nous-mêmes. Servir l’autre lui permet d’être et à moi d’être, même pour un temps, un peu moins. Je ne suis pas, si je sers, le premier servi. Et pourtant, je m’y retrouve bien sûr. Je ne perds rien en servant, en donnant du temps, de l’attention, de l’estime à celui ou celle qui l’attend. En le faisant, je lui permets de réaliser, et c’est peut-être rare pour beaucoup, qu’il ou elle est digne, puisque digne d’être servi. Je repense à la formule si belle de sainte Bernadette à qui on demande comment la belle dame de la grotte de Massabielle l’a considérée : « Elle m’a regardée comme une personne qui parle à une autre personne et elle me disait vous…». La politesse et la délicatesse, comme un service.

Puissions-nous ce soir nous redire qu’il y a un avenir à qui veut être serviteur, car il y a un futur pour qui désire aimer. Alors dès que nous aurons regagné la vallée, nous aurons à cœur de servir, avec le charisme qui est le nôtre, la personnalité qui est la nôtre. Car nous ne sommes pas serviteurs et servantes selon le même moule. Il y a ceux qui servent par leur parole, ou bien par leur silence respectueux, par leur présence fidèle, par leurs talents manuels, par leur maîtrise de l’écriture, et que sais-je encore.

Le monde a besoin de serviteurs et de servantes, parce que le monde a besoin d’être aimé. Le monde a besoin d’être consolé. Le monde a besoin du service de la charité.

  Vendredi Saint (15 avril)

Office des Ténèbres à 7h
Laudes à 8h
Heure Médiane à 11h45
Célébration de la Croix à 15h 
Oraison à 18h
Complies à 20h

Prédication du fr Matthieu-Marie Trommer op :

Dans la passion selon St Jean, il est frappant de constater que, dans ce moment décisif de son itinéraire, Jésus rappelle à tous le motif de sa présence au milieu de nous :

1. A Caïphe, il dit : j’ai parlé ouvertement, j’ai enseigné dans les synagogues et dans le temple, je n’ai rien dit en secret (Jn 19,19)

2. A Pilate, il explique : Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité (Jn 18, 37)

Voilà donc la mission de Jésus : Enseigner ; Rendre témoignage à la vérité ; Révéler le vrai visage du Père … et en même temps : Dénoncer les erreurs ; les fausses représentations de Dieu ; dévoiler le péché et nos compromissions avec lui …

Jésus est resté fidèle à cette vérité jusqu’au bout et c’est ce qui va le conduire à la mort, parce que les hommes ont été incapables d’accueillir la Parole de Dieu… Rejeté, il va finir condamner à mort sur une croix !

Ainsi il faut tordre le coup à une idée trop communément admise selon laquelle Dieu aurait voulu la mort de son Fils !!! Comment pourrait-on croire et suivre un tel Dieu ?

Dieu ne veut pas la mort de son Fils !

Et même lorsqu’à Gethsémani Jésus dit : « Père éloigne de moi cette coupe, mais non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Il s’agit pour Jésus de rester fidèle à sa mission prophétique, de tenir ferme dans son témoignage en sachant où cela va le mener…

Ainsi, alors qu’il est condamné, Jésus continu à nous enseigner par ses gestes et ses paroles : sa mort sur la croix encore un enseignement :

Voilà ce que le péché a fait du Christ, et voilà ce qu’il cherche à faire des hommes tout au long de l’histoire, quand il est laissé à lui-même.

VOILA POURQUOI NOUS AVONS BESOIN D’ETRE SAUVÉ, VOILÀ POURQUOI NOUS AVONS BESOIN D’UN SAUVEUR…

***

Mais, loin de subir passivement son destin, Jésus transforme positivement sa mort pour en faire une offrande au Père et une offrande pour les Hommes :

– Du haut de sa croix Jésus offre sa vie en réparation d’amour pour toutes les divisions et tous les péchés des hommes.

– Il va convertir ce mal et cette souffrance en lui donnant une authentique fécondité

– Il va nous justifier en condamnant le péché et en graciant le pécheur

– Il intercède pour chacun de nous : « Père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font »

Ainsi, nous contemplons en ce jour que Jésus loin d’être passif, est pleinement acteur de sa mort dramatique, il assume pleinement son rôle de réconciliateur entre Dieu et les Hommes tel un ambassadeur capable de représenter et de réconcilier les deux parties.

  Samedi Saint (16 avril)

Vigile Pascale

Prédication du fr Nicolas Tixier op :

C’est dans l’étonnement que surgit la victoire. Dans l’étonnement et de manière imprévue. C’est à la pointe de l’aurore que cela s’est produit, brusquement. Ce moment si particulier de la nuit où le jour commence à poindre, mais où, pourtant, on sait très bien que tout pourrait aussi retomber dans l’obscurité. Le moment où l’on hésite encore à croire que la lumière l’a emporté sur la ténèbre. Quand la porte semble s’être enfin ouverte pour laisser la clarté entrer dans la pièce sombre. La porte, une grosse pierre que l’on avait roulée à la hâte pour enfermer Jésus dans son tombeau. La porte qui marquait la séparation entre le monde des vivants et celui où la vie semblait s’être retirée. La porte qui enfermait la vie derrière elle.

Quand l’aurore paraît, c’est la surprise, l’étonnement. Jésus, la Lumière du Monde, surprend, lui aussi, les femmes qui faisaient route avec lui. Elles sont désemparées en ne trouvant pas le corps à sa place dans le tombeau. Elles sont même saisies de crainte devant le témoignage de la lumière victorieuse. Pierre lui aussi est surpris par la victoire. Il est « tout étonné » nous dit saint Luc. La victoire tant et tant de fois prophétisée, les guérisons et les miracles qui l’annonçaient, tout ceci semble avoir disparu tant la découverte du tombeau vide est extraordinaire. La victoire est étonnante. Elle est imprévue.

J’ai découvert récemment par hasard l’existence d’un tableau du peintre surréaliste belge René Magritte. Il est très énigmatique, vraiment – comme tous les tableaux de Magritte d’ailleurs, qui se refuse à donner une explication à ce qu’il a voulu représenter. Il représente une porte fermée. La porte semble avoir été traversée par quelqu’un, comme s’il avait simplement enfoncé la porte et était passé à travers. Ainsi la porte est devenue totalement inefficace, il y a un grand trou de forme humaine en son centre. Ce tableau porte un nom énigmatique lui aussi : il s’appelle La réponse imprévue. Il y avait donc une question : une porte fermée qui interrogeait (peut-on l’ouvrir cette porte), dans la douleur sans doute, car il y a une grande violence à se trouver devant une porte fermée. Imprévue est la réponse, car où l’on se serait attendu à ce que la porte tout simplement s’ouvre, le passage s’est opéré autrement : quelqu’un n’a pas simplement ouvert la porte, il l’a traversée…

Quand je regarde les mois qui viennent de s’écouler, il me semble que depuis longtemps une porte s’est refermée et que l’obscurité a fait son œuvre, de manière tristement prévisible. C’est comme si nous étions entrés dans un long tunnel sombre, impression que je goûte peut-être davantage aujourd’hui qu’auparavant. Ainsi, si je regarde un peu en arrière, je vois une crise sanitaire mondiale dont les effets continuent à se faire sentir, jusqu’à avoir altéré nos relations humaines, sociales. Et puis une crise d’importance a secoué notre Église, révélant au grand jour les abominations qui ont pu s’y produire, crise salutaire car il fallait que la vérité vienne au grand jour. Et puis depuis quelques semaines, nous avons été plongés dans les ténèbres d’une guerre venue de nulle part. Des images d’exactions d’un autre temps, d’un autre continent. Si proche de nous. Comme un rappel, si proche, de ce que l’inhumain est tapi proche des humains que nous sommes.

Et puis il faudrait dire la grisaille habituelle, et tellement prévisible, qui nous frappe peut-être à l’intime. La solitude des isolés. L’inquiétude de ceux qui sont à l’hôpital à l’heure où nous parlons. De ceux qui sont en prison. Ceux qui affrontent un conflit familial qui dure. Ceux qui cherchent leur avenir sans arriver à y voir clair. De ceux qui perdent patience, quand ils ne perdent pas espoir.

Comment espérer quand les temps sont durs ? Comment garder la foi dans l’épreuve ? N’était-ce pas ce genre de pensées qui devaient occuper les saintes femmes dans le jardin ? Après ces heures d’angoisse, l’arrestation, les cris, la haine, le procès truqué, le chemin de supplice à travers la ville, et finalement la mort, banale. La solitude. Le tombeau. Le lieu si prévisible de toute fin. Le lieu de la victoire imprévue en fait.

Car là, au tombeau, est le lieu du surgissement inattendu, car il l’est toujours, du Ressuscité.

C’est dans le doute et la résignation que retentit le cri de la victoire, imprévu, soudain, étonné. C’est dans la confusion du tohu bohu que Dieu sépare les éléments de la Création et voit que cela est bon. C’est dans le désespoir du peuple élu que Dieu fait se séparer la mer Rouge afin qu’il puisse la traverser à pied sec et échapper ainsi à l’ennemi. Le salut est toujours soudain. C’est brusquement que les portes de la mort sont brisées. Tout se casse et la vie advient à nouveau.

René Magritte était semble-t-il fasciné par les portes… Il a peint un autre tableau, qui ressemble beaucoup à celui que je vous ai décrit. Là encore, la porte a été fracassée, traversée par quelqu’un, comme dans La réponse imprévue. Mais cette fois-ci, différence, on voit un paysage derrière la porte. On voit que la porte ouvre sur un balcon au bord de l’océan. Derrière la porte, il y a donc tout un univers, la liberté, la vie sans fin. Ce tableau porte là encore un titre qui fait réfléchir : il s’appelle simplement L’acte de foi.

C’est sur cette belle image que je conclus. L’image d’une porte fracassée qui laisse entrevoir un paysage. L’acte de foi, ce n’est pas seulement celui de l’artiste. C’est le nôtre à chacun d’entre nous. Notre acte de foi, venu du témoignage victorieux du Christ ressuscité des morts. Le Christ est ressuscité des morts, par sa mort il a vaincu la mort ! C’est de nos morts qu’il vient nous délivrer. C’est de la nuit qu’il vient nous tirer. Que sa douce lumière illumine nos vies. Que nous en soyons réchauffés, restaurés, guéris, libérés. N’est-ce pas précisément ce que nous avons chanté dans l’Exultet :

« Voici la nuit où le Christ, brisant les liens de la mort,

S’est relevé victorieux des enfers.

Car il ne nous servirait à rien de naître

Si nous n’avions pas le bonheur d’être sauvés ! »

  Dimanche de Pâques (17 Avril)

Prédication du fr Matthieu-Marie Trommer op :

Mes sœurs, frères et sœurs,

Si nous sommes réunis ce matin, c’est à cause d’un certain Jésus qui est mort, mais que plusieurs prétendent toujours vivant…

La résurrection ? Qu’est-ce que c’est cette histoire ?… Non mais franchement… Cela ressemble un peu au mythe du Père Noël, vous ne trouvez pas ?

Avouez tout de même que l’idée qu’un mort puisse revenir à la vie est difficile à admettre… Ne s’agit-il pas d’un fantasme lié à notre imagination ? Nous avons déjà trop côtoyé la mort pour ne pas savoir qu’elle est une rupture radicale, une séparation douloureuse, un arrachement au monde des vivants…

Et pourtant. Voilà qu’un petit groupe de femmes se sont mises à répandre cette folle nouvelle : Jésus est vivant, il est ressuscité. Notez que les Apôtres eux-mêmes émirent de sérieux doutes sur ces « racontars de bonnes femmes »… « des propos délirants » !

Entre nous soit dit, je suis frappé de voir à quel point nous ressemblons aux douze : Tantôt bouillants de ferveur, tantôt peureux, tantôt sceptiques, tantôt complètement à côté de la plaque…

Quoi qu’il en soit, il faut croire que les femmes n’étaient pas si folles que cela : Bizarrement, la pierre est roulée, le tombeau est effectivement vide, les tissus mortuaires sont soigneusement pliés. Qui plus est, certains affirment même avoir vu Jésus…

La conséquence directe de cet événement inédit, est que les Apôtres sont retournés comme des crêpes : brillant par leur absence le vendredi saint, quelque peu sceptiques au matin de Pâques, ils ont fini par mourir en martyrs pour rendre témoignage à cette Vérité : Jésus est vraiment ressuscité ! Il n’en faut pas plus pour que se répande comme une trainée de poudre cette incroyable nouvelle.

***

Le plus incroyable dans cette histoire, c’est que des hommes et des femmes du XXIème siècle continuent de porter cette folle nouvelle :

Oui nous l’annonçons : Jésus est ressuscité ! Il a réellement traversé la mort ! Il a transcendé le destin, il est vivant à jamais !

Cette résurrection est comme la signature de Dieu qui atteste que Jésus est bien son Fils, que son enseignement est véridique et digne de foi !

L’événement de la résurrection qui est au cœur de la foi chrétienne échappe pourtant à toutes nos représentations ! Il n’y a pas de récit de résurrection, pas de témoins directs.

Parce qu’en réalité, la résurrection est une déchirure de notre condition humaine régentée par les lois de l’espace et du temps… Jésus n’est désormais plus enfermé dans l’histoire, dans le temps ou dans la matérialité.

C’est ce que nous indiquent tous les récits d’apparition : il est le même, mais il est différent, désormais une porte ou un mur ne sont plus un obstacle, il apparaît et disparaît à sa guise… son corps est glorifié, il vit en Dieu car il est Dieu !

***

Soit, frère Mathieu-Marie. Admettons que Jésus soit vraiment ressuscité. Tant mieux pour lui !

Mais qu’est-ce que ça change pour nous ?

Cela change tout ! Parce que Jésus est l’envoyé du Dieu Très Haut ! Il est l’unique médiateur du Salut, il est notre Sauveur en sa personne se rencontrent le Ciel et la Terre, Dieu et l’homme.

1/ Jésus est venu dans le monde pour nous ! Il a mené une mission de réconciliation entre les hommes et Dieu ! Il dévoile nos fausses représentations sur Dieu, nos idoles, nos mensonges, nos enfermements et nos compromissions avec le mal !

2/ Jésus est mort pour nous ! Non pas que Dieu ait voulu la mort de son Fils ! En réalité, la croix dévoile tragiquement notre propre péché dans son résultat ultime. Voilà ce que le péché a fait du Christ et voilà ce qu’il cherche à faire des hommes tout au long de l’histoire, quand il est laissé à lui-même. Mais la Bonne Nouvelle, c’est que, par sa mort, Jésus a vaincu la mort et nous délivre du péché et de ses conséquences !

3/ Jésus est aussi ressuscité pour nous. Sa résurrection ouvre désormais un passage par-delà la mort. Sa résurrection est l’irruption d’un événement de la fin des temps dans notre histoire : la résurrection de la chair. En ce sens, la résurrection de Jésus dévoile comme en avant-première ce qui doit nous arriver : tel il est ressuscité, tel nous ressusciterons !

Est-ce vraiment si inconcevable ?

La création nous donne pourtant des signes capables de refléter la résurrection de la chair. Prenons pour exemple le papillon : avant d’être un papillon, cet animal est une chenille. Puis, quand vient le temps, la chenille devient comme morte (phase chrysalide)… un temps indispensable pour se transfigurer en un magnifique papillon. De la même manière, nous devons passer par la mort, abandonner notre corps terrestre, afin que Dieu nous revêtisse de notre corps de gloire à la fin des temps !

***

Mais la résurrection ne représente pas uniquement une espérance lointaine ! Rappelez-vous : le soir de Pâques, Jésus insuffle son propre Esprit aux Douze… Il leur transmet son principe dynamique de vie nouvelle l’Esprit-Saint en personne – le même qui est répandu sur chaque croyant au jour de son Baptême !

Vous rendez vous compte de ce que cela signifie ?

Aujourd’hui déjà, nous pouvons vivre de la résurrection par l’Esprit-Saint répandu en nos cœurs. Cet Esprit qui fait de nous des fils et des filles du Père par adoption, nous restaure, nous sanctifie, nous divinise… Désormais ce principe dynamique de vie renouvelle notre existence pour faire de nous des êtres spirituels.

Oh, il ne s’agit pas tout à coup de vivre la tête dans les nuages, de manière désincarnée ! Non ! Il s’agit de nous laisser transfigurer de l’intérieur – de renouveler notre intelligence, de briser notre cœur de pierre, nos peurs et nos rancœurs – pour devenir d’autres Christ, c’est-à-dire des personnes vraiment remplies de la vie et de l’Esprit de Dieu. Des personnes lumineuses parce que vraiment vivantes et pacifiées. Je suis sûr que vous en connaissez.

Car l’Esprit qui nous transfigure engendre la paix intérieure, la vraie joie, l’humilité (parce que l’on n’a rien à prouver juste à recevoir), l’espérance, la charité, la consolation, la confiance en Dieu qui nous aime et nous propose de partager sa propre vie divine. Demain dans la gloire… et aujourd’hui par la grâce.

***

Nous sommes donc dans le temps de la grâce et les sacrements sont le moyen de participer à la vie de Dieu (l’Eucharistie nourrit la vie de grâce et nous unifie les uns les autres, le sacrement du pardon nous guérit et nous soigne des blessures du péché).

Mais, le temps de la grâce est aussi le temps de la foi. C’est ainsi que, conduits et soutenus par Dieu, nous sommes des pèlerins en marche vers notre patrie, plein d’espérance dans les promesses du Christ. Il est clair que cette marche est marquée tantôt par la joie et la fraternité des beaux jours, tantôt par la fatigue, les ampoules et la pluie des mauvais jours… (Et il y en a un qui fait tout pour nous faire tomber et nous décourager de reprendre la marche.)

Cependant, frères et sœurs, nous ne marchons pas seuls :

– Le Christ nous devance, il ouvre le chemin et nous laisse son Esprit qui nous guide !

– Une foule de croyants sont en chemin, à nos côtés ! Certains sont plus rapides, d’autres plus lents, certains plus bruyants, d’autres plus discrets… Mais il s’agit d’une seule et même communauté de pécheurs sauvés, en marche : c’est l’Église. Nous ne sommes pas seuls. Dans les bons jours comme dans les mauvais, ne l’oublions jamais ! 

– Enfin, le Christ a donné sa vie pour toute l’humanité ! Et nous ne pouvons laisser personne sur le bord de la route. Il attend de nous que nous collaborions à son œuvre de Salut pour rejoindre chacun : ce qu’il a fait pour toi, fais-le pour ton frère, pour ta sœur. Et ici pas de grand discours mais des actes.

Là où vous êtes, avec ce que nous avez reçu, soyez pour le monde, [pour ta sœur, ton collègue de travail, pour ton voisin, pour ton mari-femme, tes enfants, celui qui frappe à ta porte, pour le sans abri], soyez pour eux d’autres Christ : rendez témoignage de votre espérance, consolez, soyez artisans de réconciliation, faites de votre vie une vivante offrande à la louange de Dieu… alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ, notre vie et notre résurrection !