Close

Solennité de l’Épiphanie - B

P Julien Dupont, diocèse de Poitiers

Mat 2. 1-12

« Sans contact ». Tel est le mot qui, sans doute, résume le mieux l’année que nous venons de vivre. Et telle est, en un sens, l’attitude d’Hérode vis-à-vis de ce petit-enfant. Certes, il est l’objet de sa préoccupation, mais il ne veut pas de contact avec lui. Il refuse d’entrer dans une relation, relation qui pourrait changer sa vie. Car, tel que l’explicite les psychologues, le contact est ce qui offre le bonheur. Sans liens, la vie est fade. Hérode a beau avoir des connaissances, le pouvoir, et bien du monde qui l’entoure… Il est seul, sans contact.

A l’inverse, les mages, collectivement, se sont laissés touchés par cet Astre lumineux (Lc 1, 78). Ils veulent justement entrer en contact et rencontrer Celui qui est Lumière, née de la Lumière, pour se prosterner devant lui. Si cet évangile met en avant leur quête spirituelle, arrêtons-nous un instant sur ce qui permet à ces mages d’entrer en relation avec Jésus-Christ :
C’est à cause de leur claire-vision qu’ils ont vu l’étoile.
Heureusement qu’il n’y avait pas de couvre-feu lorsque Jésus est né ! Car c’est bien de nuit que les mages sont venus, à la clarté de cette étoile (verset 2). De nuit, c’est-à-dire dans un temps où une lumière a resplendi plus qu’une autre dans le ciel étoilé. Ils ont regardé autrement le ciel, pas en fonction de leurs aprioris ou de leurs connaissances. Autrement dit, voyons dans ces mages l’attitude spirituelle qui doit être la nôtre : accepter de regarder autrement. Dans ce temps où chacun peut être tenté de regarder ce qui va mal, acceptons peut-être de voir ce qui émerge, ce qui advient de nouveau.

Ils se sont laissés déplacés…
Accueillant l’inattendu, ils ont accepté de tout quitter pour suivre une simple étoile. Venus par un chemin, ils acceptent le déplacement jusqu’à repartir « par un autre chemin » (verset 12). Regarder autrement oblige à changer de destination, d’horizon. Hérode lui, reste concentré sur son seul objectif : tuer l’enfant, comme il a tué d’autres membres de sa famille. Ces mages eux, païens de l’époque, ont su ne pas rester enfermés dans leurs certitudes. Il nous faut accepter d’être décentrés, déplacés de nos certitudes. Dans ce temps où notre société est de plus en plus fracturée et compartimenté, entrer dans une telle attitude d’attention à autrui, c’est construire un monde plus juste et fraternel.

A l’image de Dieu, ils donnent ce qu’ils ont de plus précieux
Or, encens et myrrhe sont des « présents » (versets 11) qui disent plus qui est Jésus-Christ que qui sont ces mages. Ils le qualifient de roi, prêtre et prophète. Ces cadeaux ne sont pas des présents d’usages, des babioles achetés en toute hâte sur Amazon pour compléter la liste de naissance. Ces cadeaux disent aussi que ces mages osent donner ce qu’ils ont de plus précieux, comme Dieu le fait à notre égard. En ce sens, cette attitude spirituelle les fait ressembler à Celui qui est sous leurs yeux. Comme eux, il nous faut accepter de donner plus que de recevoir.

En un sens, cette fête de l’épiphanie nous rappelle, à nous qui connaissons Jésus-Christ, l’enjeu d’une attitude spirituelle ajustée : regarder autrement, être décentrés, tout donner. Elle nous invite aussi à une véritable conversion tant à titre personnel que communautaire. Tels peuvent être mes vœux pour chacun de nous, mais aussi pour notre Église, spécialement pour notre institution. Si elle n’accepte pas de regarder autrement, d’être décentrée, et tout donner, elle risque non seulement de ressembler à Hérode, mais surtout de perdre l’esprit missionnaire qui doit la caractériser. Or, cette fête nous dit bien comment Dieu se manifeste. Pas seulement dans l’humble petit-enfant que nous contemplons, mais aussi en chacun de nous, appelés à être à l’image et à la ressemblance de Dieu. Que ces mages, tout aussi enveloppés de lumière que les bergers au soir de la naissance du Sauveur, nous conduisent à être d’authentiques témoins de Dieu, ici et maintenant. Amen.