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Dimanche de Pâques 2016 - C

Frère Bernard Senelle op

27 mars 2016

Jean 20,1-9

« Christ est Ressuscité, il est vraiment ressuscité. » Frères et sœurs, quoiqu’il en soit de la dureté de la vie du monde et de nos épreuves personnelles, nous sommes là ce matin parce que nous voulons vivre et refusons de nous laisser enfermés dans la morosité. Célébré en croix, le Christ est aujourd’hui chanté parce qu’il est vivant et bénit chacun d’entre nous. Christ est ressuscité, dans tous les lieux d’abandon, de violence et d’injustice mais aussi dans la beauté des bons samaritains, des pécheurs pardonnés et des miséricordieux. Telle est notre joie ! Dieu n’a pas laissé son Fils voir la corruption, il ne nous laisse pas en chemin et ce matin, le monde s’ouvre à Dieu et il est permis d’espérer dans une époque parfois bien enténébrée et aveuglée. La vie est là qui éclot : un regard attentif et un cœur ouvert peuvent la contempler et la partager comme Jean, le disciple bien-aimé : « il vit et il crut. »
Car c’était encore les ténèbres quand Marie-Madeleine « l’apôtre des apôtres » (selon Hippolyte de Rome) se rendit au tombeau et remit en chemin les disciples qui, pour la plupart venaient de trahir et d’abandonner leur maître. La lumière jaillit, la vie renaît doucement comme après les grandes catastrophes : on va vivre ! Les fleurs qui poussent, les oiseaux, les étoiles dans le ciel, la pluie qui tombe, le soleil qui brille, la beauté d’un visage humain ont autant de consistance et de réalité que les méchancetés et les ignominies.
Nos chants, nos lectures, nos invocations, nos silences de ces trois derniers jours nous ont préparés à cette fin d’errance dans le désert. Mais quand même, le trouble et le désarroi ne sont pas évanouis : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis. » La résurrection, c’est d’abord une femme qui va partager sa stupeur à Pierre et Jean : de là va jaillir la vie.
Tout commence dans un sentiment de trouble et d’abandon, par une femme seule et en détresse, en communion avec tous les êtres déchirés qui peuplent notre monde. Marie-Madeleine allume pour l’humanité le feu de la joie de la joie pascale, la flamme de l’espérance. Lentement la vie semble s’éveiller dans un lieu informe et vide : un tombeau placé dans un jardin. L’homme a été déposé dans un jardin au jour de sa création, Jésus a été déposé dans un tombeau : il ressuscite en ce lieu où l’homme la tué. Il ne fuit pas le jardin, qui fut aussi le lieu du reniement de Pierre mais il déserte le tombeau : par lui, par sa présence aimante la vie peut refleurir.
Lentement, il bat en brèche la loi de la mort. Ce n’est pas un coup de baguette magique, mais tout un chemin que le temps pascal va nous donner de parcourir jusqu’au don de l’Esprit à la Pentecôte. Peu à peu, nous allons intérioriser et nous dire : c’est mon histoire, c’est ma vie, de renaissance en renaissance, de pardon en pardon, de chute en relèvement. C’est l’histoire humaine que Le Christ récapitule.
Marie-Madeleine s’approche de ce qui en moi est vide. Avec les apôtres, elle entre dans ma vie et me propose un passage. Elle voit mes ténèbres, les traces des blessures : elle voit et elle croit en moi comme Jean grâce à elle, a cru au Christ. Aujourd’hui, nous ressuscitons avec le Christ et Marie-Madeleine avec les deux autres disciples ouvre une porte de lumière dans ma vie. Alors concrètement, comment cela va-t-il se faire ? A quelles signes vais-je reconnaître la présence du Ressuscité ?
Peut-être tout simplement, sous les apparences d’une qualité que je ne voulais pas voir chez un proche qui a cessé de m’émerveiller et m’a fait perdre patience. Lentement, je le redécouvre unique et sous un jour nouveau. Ou encore au travers d’une confiance en moi perdue et retrouvée comme la femme qui avait perdu sa pièce dans l’évangile. Ou bien au sein d’un monde désenchanté qui me lasse et me désabuse mais que je vais de nouveau regarder comme créé par Dieu qui nous l’a confié. Celui qui ne m’intéressait plus et que je dédaignais redevient digne d’estime et de confiance. Ce matin l’indifférence qui est une des formes les plus redoutables de la violence recule devant le Christ qui avance et que je reconnais présent entre moi et mon prochain, entre moi et ma femme ou mon mari, entre moi et mon frère ou ma sœur.
Dieu se rend présent dans un lieu informe et vide : le linceul est là, le linge qui a couvert la tête est roulé à part, Dieu agit, rien ne doit demeurer enfermé dans le désespoir, la rancune, l’amertume. Le ressuscité a emmené le mal, la haine, la jalousie, la discorde, la guerre. Il fallait la Croix pour que l’Ecriture s’accomplisse mais aujourd’hui la lumière triomphe des ténèbres : c’est notre foi, nous voulons vivre.
Le Jour de Pâques est aussi un grand jour pour nous, un nouveau commencement. Ce jour est pour nous unique : la vie de Dieu est là : « il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. ». Il le fallait pour moi, pour nous ici rassemblés, il le faut pour le monde, pour chaque être humain que Dieu a voulu uni à Celui qui nous rassemble ce matin : le Christ ressuscité !