Close

4ème Dimanche du TP - B

Fr François-Dominique Charles op

26 avril 2015

Jean 10,11-18

Avez-vous remarqué ce qui est représenté sur la croix pectorale du pape François ? Au centre, sur la partie verticale, il y a le bon pasteur qui avance, portant la brebis perdue sur ses épaules. Sur les parties horizontales, il y a le troupeau de brebis qui s’avance entraîné par Jésus. Tout en haut de la croix, là où habituellement se trouve le titulus, il y a la colombe de l’Esprit qui descend, sur le bon pasteur.
Une belle illustration de l’évangile de ce 4e dimanche de Pâques ! « Je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis… Je donne ma vie pour mes brebis… Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même ! » Le bon pasteur va jusqu’à donner sa vie pour sauver son troupeau. N’oublions donc jamais le Crucifié, même en ce temps où nous fêtons dans la joie le Ressuscité ! Notre grande fête chrétienne de Pâques, c’est celle d’un Messie martyrisé, d’un Innocent qui se laisse saisir et mettre à mort, dans le seul but de rassembler une humanité nouvelle : « élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32). L’Église est née dans le sang versé du Christ, et dans celui de ses témoins ; ce sang atteste la vérité de la victoire de Dieu sur l’horreur du mal.
Une seule logique humanise ! Elle est divine ! Jésus nous l’a montrée : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! » C’est cette logique divine de la charité qui sauve et fait vivre ; elle demande de renoncer à soi-même, de donner sa vie, parfois aussi son sang.
Il n’est pas facile d’être chrétien, c’est-à-dire disciple de ce bon Pasteur qui donne sa vie pour son troupeau ! Aujourd’hui, beaucoup de frères et sœurs paient de leur vie leur attachement à Jésus Sauveur. Ils savent, comme l’écrit saint Jean, « quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes ». Notre vie ne nous appartient plus, elle appartient à ce Berger ! C’est saint Paul qui le dit, dans des mots inoubliables : « si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur » (Rm 14,8).
Tous les chrétiens qui sont mis à mort ou menacés de mort un peu partout, en Syrie, en Iraq, en Libye, au Nigeria, au Pakistan, voire maintenant en Europe, le sont parce qu’ils sont disciples de Jésus, « la pierre rejetée des bâtisseurs qui est devenue la pierre d’angle », comme le proclamait Pierre. L’apôtre qui a renié trois fois a ratifié par son martyre la vérité de sa prédication. L’Église est née dans le sang de Jésus et continue de naître aujourd’hui dans celui des martyrs. Nous allons célébrer la présence du Ressuscité au milieu de nous en prononçant ces mots : « prenez et buvez, ceci est mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. »
Car Jésus est mort, non pour sauver une petite minorité de croyants, mais pour le salut de la multitude ! « C’est vraiment lui le Sauveur du monde » (Jn 4,42). Et nous l’avons entendu de la bouche même de Pierre, « rempli de l’Esprit Saint » :
« En nul autre que lui, il n’y a de salut, car sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. » C’est pour cette vérité incomprise ou inacceptable que les disciples de Jésus sont, aujourd’hui comme hier, mis à mort. Oui, nous croyons qu’il n’y a qu’un seul Sauveur et c’est en lui que nous plaçons notre espérance pour nous et pour le monde. Nous savons qu’un jour viendra, comme l’écrit saint Jean, où « nous lui serons semblables et nous le verrons tel qu’il est. » Nous ne rêvons pas d’un au-delà de délices, nous espérons goûter la présence de notre fidèle Pasteur, dans un face à face éternel. Nous désirons le suivre pour être avec lui, parce que nous sommes ses brebis et qu’il est notre berger.
La colombe de l’Esprit Saint est présente sur la croix pectorale du pape. Parce que, sans l’Esprit de Dieu qui habite nos cœurs, nous ne pourrons pas aimer comme Dieu nous aime ; nous n’arriverons pas à demeurer fidèle à notre Pasteur, dans les épreuves et les persécutions, et nous ne pourrons pas tenir en « espérant contre toute espérance » (Rm 4,18). C’est l’Esprit qui « vient au secours de notre faiblesse » (Rm 8,26) ; nous lui faisons confiance. Lui qui anime l’Église saura faire réussir le projet divin de sauver l’humanité.
Le sang versé des croyants a converti les bourreaux. Nous le voyons dès le premier des martyrs : Saul était présent quand on a lapidé Étienne et il approuvait cette lapidation. Peu de temps après, il rencontrait le Ressuscité sur sa route et devenait un missionnaire zélé de l’Évangile.
Puisse le sang versé des martyrs, ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier, contribuer à la conversion des bourreaux, aveuglés par le fanatisme. Car eux aussi sont appelés à être sauvés par l’unique Pasteur qui dit : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celle-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » C’est un mystère qui nous dépasse que celui de la Rédemption par le sang de Jésus et de ses témoins : « pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », prie Jésus en croix ; « ne leur impute pas ce péché », prie Étienne quand on le lapide.
En ce jour, comme l’Église nous y invite, prions pour les vocations. Certes, nous avons besoin de bons pasteurs qui soient au service des communautés chrétiennes. Mais rappelons-nous aussi que nous avons tous été « appelés » à devenir des « témoins » et des missionnaires de la vérité de l’Évangile : le bon Berger a donné sa vie pour nous et pour « la multitude ». Deux fois dans l’évangile, il dit : « je donne ma vie pour mes brebis. » Si nous avons entendu son appel, suivons-le sur son chemin, en nous laissant parfois portés par lui, mais toujours gonflés de la force de l’Esprit Saint. Pour être d’authentiques témoins, il nous suffit d’apprendre à vivre en donnant notre vie. C’est ainsi que s’épanouit l’amour, que nos vies s’éclairent et que nous devenons divinement humains.