
16ème Dimanche du Temps Ordinaire C
Fr Maxime Allard op
Lc 10, 25-37
Vivre éternellement réconciliés ou de l’Art évangélique de s’approcher
Le Royaume de Dieu est tout proche. Il s’est approché. Voilà le message que Jésus avait enjoint aux disciples de proclamer. C’était la proclamation évangélique de dimanche dernier. Cette semaine, il encore question de proximité : la Parole de Dieu est tout près de nous… il s’agit d’être un prochain… et en Jésus Christ, Dieu s’est réconcilié, rapproché de nous ou nous a rapproché de lui…
La Parole de Dieu est tout près de nous. À portée d’oreille. À portée de vue. En Église, nous l’entendons car elle y est proclamée. Individuellement, nous pouvons nous la lire, la méditer. Il s’agit de l’approcher de nous, de s’approcher, par nos actes, de ce qu’elle nous révèle, de ce qu’elle invite à faire, tout en évitant ce qu’elle interdit.
Nous visons de la Parole de Dieu. Nous le faisons ici et maintenant. Et, dans la logique du Deutéronome, nous pouvons espérer que cela contribuera à faire nous faire vivre dans un monde plus juste et pacifié ou, à tout le moins, que nous ne contribuerons pas à ses injustices et à ses guerres. La Parole de Dieu, en ce sens, ouvre un horizon de bonheur pour nous et les nôtres déjà, ici et maintenant… et, pour demain!
Pourquoi insister sur cela qui semble aller de soi et que nous connaissons bien? Pourquoi? Pour faire entendre une inflexion évangélique, une inflexion déjà présente dans le judaïsme de l’époque de Jésus et que Jésus partage. En effet, le docteur de la Loi qui vient voir Jésus lui demande ce qui doit être fait pour avoir « la vie éternelle » et la réponse, spontanée en quelque sorte, est de cibler, parmi tous les commandements de la Loi, le commandement, double de l’amour de Dieu et du prochain. Ainsi, il ne s’agit plus simplement de vivre ici et maintenant, à l’horizon de « demain » et d’après-demain mais de crever l’horizon du temps et signaler l’irruption dans l’éternité, ce qui a trait au mode d’exister de Dieu. La question évoque un désir de participer de la vie éternelle de Dieu. Ainsi, ce docteur cherche comment vivre aujourd’hui comme manière d’approcher une vie autre, en proximité, en intimité avec Dieu même. Paul pourra ajouter, spécifier, qu’il s’agit d’une vie dans le Christ, une vie « réconciliée », rapprochée de Dieu.
Avec l’idée de réconciliation en tête, je vous propose de méditer la suite de l’évangile du jour. La réconciliation implique le renouement d’une relation, le nouage d’une relation oubliée, oblitérée, d’une relation qui a été mise à mal ou, encore, qui n’a pas existé et pourrait ne pas exister du tout. Elle commence par un rapprochement comme celui tenté par Dieu en Jésus Christ.
Réfléchissons. Nous vivons avec d’autres. Nous côtoyons bien des gens. Nous passons à côté de bien des gens. Il en passe dans notre entourage, tout près de nous sans que nous y fassions attention. Nous restons indifférents. Certes. Certaines rencontres pourront susciter l’amour; d’autres le dégoût. D’autres l’envie, etc. Certaines autres sont violentes : soit nous sommes violents, soit on nous aura violenté.
Dans tous les cas, nos rapports avec nos proches, avec les plus ou moins proches, avec qui s’approche de nous – malicieusement ou perversement ou amoureusement – … nos rapports ne sont pas d’emblée ajustés, appropriés… Nous vivions auprès les uns des autres. Et nous pouvons rester indifférents à notre frère ou à notre sœur en souffrance, croisée par hasard…
Aujourd’hui encore, comme dans l’anecdote inventée par Jésus, on peut être surpris, parfois, de voir quelqu’un qui osera un geste inattendu de soin, de souci, de sollicitude, de charité. Nous pourrons toujours tenter de nous justifier, de légitimer notre indifférence et notre inattention, voire notre auto-aveuglement. Il y a toujours un prêtre ou un lévite qui sommeille en nous… Mais, on peut aussi espérer, que veille aussi en nous un « samaritain » qui veuille se rapprocher, se faire le prochain de la victime ou du blessé, de la violée ou du violenté, des personnes abusées de toutes sortes.
On peut alors dire que le commandent est accompli : aimer Dieu et le prochain fusionnent. Que la vie ici et maintenant triomphe un peu plus des violences et des injustices, des mépris et des abus. Que la vie de demain pourra être mieux, un peu mieux. Bien plus, nous croyons fermement et espérons aussi que dans le Christ ces gestes d’amour débouchent, grâce à Dieu, dans un rapport réajusté, réadapté, réconcilié entre nous et avec Dieu. Cela s’appelle déjà la « vie éternelle »… et elle est à portée de main, d’un regard, d’un geste.