
4ème Dimanche de l'Avent A
P Michel Mounier
Mt 1. 18-24
On a souvent reproché à l’Église d’être misogyne, pas toujours à tort hélas. Aujourd’hui cependant, en lisant ce texte d’Évangile j’ai envie de dire que c’est l’homme qui est dévalorisé. En effet lorsque nous fêtons l’Annonciation, c’est celle qui est faite à Marie. Nous l’avons entendu hier. Mais c’est bien d’une annonciation qu’il s’agit aujourd’hui, adressée à Joseph. « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ». Sont-ils sont fiancés, mariés sans encore vivre ensemble ? Toujours est-il que la femme est enceinte. Que faire ? Joseph peut la répudier officiellement. Dans une société patriarcale cale ne pose pas de problème. Mais Joseph ne veut pas diffamer Marie. Reste une répudiation occulte à laquelle Joseph se résout. Mais que va devenir Marie, seule avec un enfant venu d’on ne sait où. Dure vie alors que la sienne.
Le texte nous dit de Joseph qu’il est « juste ». Il aurait donc été tout aussi injuste de répudier publiquement Marie que de la pendre chez lui. Tout ceci est bien compliqué. Que signifie une répudiation en secret ? A moins, sans doute, que l’évangéliste ne fasse pas de l’histoire mais veuille nous dire autre chose, une réalité qui dépasse les réalités sociales et qui nous fait accéder à la face cachée de ce que vivent hommes et femmes.
Voici un homme bousculé par un événement imprévu, douloureux, et cherchant une solution humaine. Humaine au double sens où elle n’enfonce pas Marie tout en respectant la Loi de Moïse et les coutumes de son peuple.
Alors intervient la voix de Dieu qui va le faire passer d’une solution humaine à une solution divine. Ne s’agit-il pas, avec la venue du Christ, de faire éclater la logique rationnelle, le déroulement prévisible des événements. La solution divine accomplit l’humain en le portant à un degré inespéré. « Dieu avec nous » construit notre humanité.
Chez Luc Marie renonce à une maternité immédiate : « Je ne connais pas d’homme. », connaître au sens d’avoir des relations sexuelles. Ici Joseph renonce à la fois à Marie et à la paternité. Il vont accéder tous deux à la paternité maternité non de façon biologique mais par Dieu et par grâce. Joseph sera père autant qu’on peut l’être. Marie sera mère autant qu’on peut l’être, jusqu’à l’extrême de la souffrance. Plus que cela : ils accéderont à la paternité-maternité de Dieu lui-même. Par là ils révèlent une réalité qui se cache en toute fécondité humaine. Cette réalité, c’est celle-ci : tout enfant, au-delà et par l’activité procréatrice des parents est don de Dieu. Les parents ne sont pas propriétaires des enfants comme nous le montre déjà l’épisode du sacrifice d’Isaac par Abraham. Tout enfant est mystère. Dans son roman Échappées, Pierre Péju écrit : « Tout enfant incarne un plus grand que soi, un plus loin fragile et précaire mais dont la seule existence justifie qu’on prenne des risques. » C’est le risque que prend Joseph.
Cet enfant mystère, Joseph doit l’adopter et aussi adopter la femme devenue autre, devenue mère. Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse.
