
16ème Dimanche du To C
Fr Maxime Allard op
Lc 10, 38-42
Il y a deux semaines, nous entendions proclamer que le Royaume de Dieu s’était approché, était proche. Il s’agissait alors de l’accueillir, d’accueillir qui s’invitait pour annoncer cette Bonne Nouvelle ou de les refuser ou, encore, refuser de les accueillir, de recevoir leur Évangile. Dimanche dernier, il s’agissait d’apprendre à se faire proche de qui était dans la misère… comme la Parole de Dieu s’était faite proche de nous. Nous étions invités, en quelque sorte, à accueillir leur misère pour la soigner tout en sachant qu’il était possible de refuser de voir ou de voir et de se détourner, de s’éloigner. Aujourd’hui, le Christ est déclaré « parmi » nous et il s’agit, une fois encore, d’accueil…
Abraham accueille. Il se hâte. Il court. Il fait travailler Sarah et probablement quelques autres serviteurs. Il s’affaire pour bien accueillir. Et pour bien accueillir, nous le savons, il faut offrir à manger, généreusement.
Abraham accueille des voyageurs. Des gens qui passaient par là. Il les interpelle et insiste pour qu’ils s’arrêtent, à l’ombre et le temps d’un repas…
Abraham est un hôte diligent. Il dépose le fromage, le lait, le veau, les galettes préparées par Sarah aux pieds des voyageurs. Puis, il s’arrête. Il ne court plus. Il n’a plus qu’à se tenir là, tranquille, sans bouger ou parle. Il se tient debout à l’écart, sous l’arbre. Il se tient tout près d’eux. Et il écoute. Il écoute les voyageurs lui adresser une prophétie, lui faire une promesse : ils vont repasser, revenir bientôt. Cette fois, d’une certaine manière, ils s’invitent. Ils vont s’approcher, de nouveau d’Abraham pour voir la vie promise. Ils vont repasser une fois que Sara aura eu un fils. Abraham n’a plus qu’à accueillir la promesse, qu’à la recevoir et à en vivre.
Pourquoi ai-je pris le temps de ruminer avec vous ce passage de Genèse? Pourquoi avoir pris ce temps précieux au début de l’homélie… alors que vous vous attendiez à ce que je vous parle de Marthe et Marie, de Marthe ou de Marie, de préférence de Marie qui a la meilleure part, de Marthe contre Marie?
Pourquoi? Parce que, habituellement, on oppose Marie à Marthe ou l’inverse. Dans tous les cas, on sépare s’activer, s’affairer à préparer un repas et s’asseoir à l’écoute de Jésus, Parole de Dieu. Or, Abraham est, me semble-t-il, tour à tour Marthe et Marie. En sa personne, il cumule et déploie les deux attitudes. Il s’affaire et court s’occuper de faire préparer de la bouffe et à l’apporter. Puis aussi il est auprès de ses visiteurs et les écoute. Pas besoin donc d’opposer les deux femmes, les deux attitudes.
Nous avons là deux manières d’être proche du Christ qui se présente « parmi » nous, chez elles, en réponse à leur invitation. Deux moments nécessaires à la reconnaissance de la présence de Dieu parmi nous. Deux façons complémentaires de se rapprocher de qui s’invite chez nous, de qui s’approche de nous. Deux manières d’exister que le Christ Jésus lui-même a pratiqué tour à tour, l’une à la suite de l’autre, l’une en vue de l’autre : il a nourri, il a fait courir les disciples pour trouver de la nourriture, puis, aussi, parfois avant, parfois après, il a parlé. Il a aussi pris le temps d’écouter les gens qui venaient le trouver, qui s’approchaient de lui, pour le toucher, pour être touchés par lui et par sa Parole de vie. C’était là une manière de révéler le mystère de Dieu, de manifester l’espérance d’une vie éternelle, d’une vie dans la gloire même de Dieu. Il a su tant recevoir qu’être reçu.
Ce qu’Abraham, ce que Marthe et Marie ont fait, ce que Jésus a fait, nous sommes appelés à le faire pour nos frères et sœurs qui sont membres du Christ Jésus, qui sont sa manière d’être « parmi » nous désormais. Nous sommes invités et incités à accueillir des frères et sœurs en humanité qui n’ont pas encore entendu parler de la proximité de Dieu, de sa Parole et de sa promesse de vie. Il nous revient de leur annoncer les promesses de l’Évangile. Voilà la mission qui nous est confiée comme elle le fut à Paul jadis. Nous sommes aussi appelés à nous approcher, à nous rapprocher, à nouer des liens, entre nous et avec nos « prochains » pour rendre l’espérance évangélique crédible et le Christ présent « parmi » nous. Ce ne sera pas toujours facile. Mais par-delà les difficultés et des souffrances, la vie – inaugurée au matin de Pâques – pourra triompher.
Nous prions pour cela en ce dimanche. C’est pour ce qui est déjà accompli, pour la présence de Dieu parmi nous, que nous rendons grâce au cours de l’Eucharistie.