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22ème Dimanche du To A

Fr Pascal Marin op

Mt 16. 21-25

Passe derrière-moi Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.

Voilà bien une rude admonestation de Jésus à l’égard de l’apôtre Pierre.

Et c’est là un leitmotiv dans l’évangile de Matthieu pour en rester à celui-ci : le constat que du côté des disciples la pensée de Dieu n’est pas au rendez-vous.

Les disciples sont sans cesse pris en défaut, d’être englués dans des pensées trop humaines.

Ils se préoccupent ainsi de l’approvisionnement en pain, et s’inquiètent d’avoir oublié de prendre les restes de la multiplication des pains.

Ils s’étonnent d’apprendre qu’être riche est plutôt un obstacle qu’un avantage pour entrer dans le royaume de Dieu, mais alors qui donc peut être sauvé ?

Ils veulent savoir qui d’entre eux aura la première place dans le règne du Christ.

Ils considèrent que placer la femme à l’égal de l’homme comme le fait Jésus dans son enseignement sur le mariage, cela fait qu’il n’est pas avantageux pour un homme de se marier.

Ils chassent les enfants qui s’approchent de Jésus, alors que celui-ci leur enseigne que son royaume est à ceux qui leur ressemblent, etc., etc.

Les disciples sont vraiment de mauvais élèves à l’école de l’évangile, ils n’y comprennent pas grand-chose.

On peut se demander d’ailleurs si Matthieu ne force pas un peu le trait pour des raisons pédagogiques. Et si les désaveux répétés de Jésus à ses disciples, ses « hommes de peu de foi », et autres « esprits sans intelligence », sans oublier le «passe derrière-moi Satan» de cet évangile, ne sont pas là pour manifester les pensées du monde et leur incompatibilité radicale avec les pensées de Dieu.

Passe derrière-moi Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.

Oui, une bien rude admonestation de Jésus à l’égard de l’apôtre Pierre.

Et d’autant plus rude qu’elle fait tout juste suite dans l’évangile de Matthieu à la très rare et même quasi-unique validation par Jésus d’une parole d’un de ses disciples, c’est le : tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, après que Pierre ait répondu à sa question : qui suis-je ? par un : tu es le Christ, le fils du Dieu vivant.

Mais si les mots sont bien là, le sens n’y est manifestement pas, car pour Pierre, comme pour les autres disciples, et selon une pensée très simplement humaine, le salut est une question de subsistance matérielle et de liberté politique.

Le Christ, le Messie, c’est quelqu’un qui sauve son peuple de l’oppression et de la misère.

Tout à l’opposé de l’annonce que Jésus vient de leur faire, souffrir beaucoup de la part des anciens, des prêtres et des scribes, être mis à mort et être relevé le 3° jour.

D’où la réaction de Pierre très ancrée dans l’idée d’un Messie à la manière du monde. Non, Seigneur, à Dieu ne plaise, cela ne t’arrivera pas !

Les disciples vivent d’abord et surtout, et comme nous-mêmes, bien souvent sans doute, et la plupart des personnes en ce monde, toujours d’abord dans des pensées humaines, raisonnables, prudentes, économiques, bien loin des pensées de Dieu.

Mais alors qu’est-ce qui peut convertir l’humaine pensée, à la pensée de Dieu et au salut qu’elle procure ?

Dans le parcours de vie des disciples, la réponse à cette question semble claire : leurs esprits s’ouvrent après le relèvement de Jésus d’entre les morts.

Et c’est, comme le dira saint Paul cet inlassable traducteur de la pensée du Christ, d’avoir été plongés dans la mort avec lui et relevés avec lui par son relèvement d’entre les morts que leurs yeux vont s’ouvrir, comme les disciples d’Emmaüs au soir de la Résurrection.

Passe derrière-moi Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.

Et dans l’histoire de Pierre avec Jésus, sa conversion à la pensée du Christ, est ainsi intimement liée à la Résurrection. Etre relevé avec le Christ, c’est une expérience que l’apôtre va faire, lorsque qu’aux heures dramatiques de la Passion, après avoir renié Jésus par trois fois, et être tombé ainsi plus bas que terre, Pierre va courir au tombeau au matin de Pâques.

Signe que le relèvement du Christ, lui a apporté le pardon et l’a remis lui aussi debout.

Mais alors, s’agissant de nous, puisque c’est bien de nous, qu’il s’agit dans cet évangile, pour nous aussi disciples du Seigneur, pour que s’ouvre à la pensée du Christ l’horizon trop fermé de nos pensées humaines, il y faut cette purification du cœur et du regard que seul peut nous donner le pardon de Dieu, là où nous sommes relevés par Lui, de nos trahisons, de nos démissions, de nos égoïsmes, de nos manques d’amour, là nous pouvons entrer dans la pensée du Christ

et y trouver dès à présent la Vie.