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11ème Dimanche du To A

P Michel Mounier

Mt 9, 36 – 10, 8

Des brebis sans berger, vraiment ? Pas de pasteur, vraiment ? Ce n’est pas l’impression que j’ai et pourtant je ne fréquente pas les réseaux sociaux. Ils abondent, ils pullulent les guides, conducteurs d’hommes, gourous, influenceurs et complotistes de toutes sorte. Vous cherchez l’amour, la santé, le bien-être, la prospérité ? Qu’à cela ne tienne, il suffit d’ouvrir son écran et de surfer. Les populistes abondent. Tous ne sont pas des imposteurs.

L’évangéliste Jean nous a dit que le vrai pasteur est celui qui donne sa vie pour ses brebis. Il n’y en a qu’un. Pourtant d’autres qui pour certains ne le connaissaient pas ont donné leur vie, le sachant ou non, ils participaient à l’Esprit du Christ.

Le pasteur donnant sa vie guérit et nourrit. Il nourrit de sa propre chair. C’est en cela qu’il est unique, il n’est pas d’abord une figure de pouvoir. Il soigne plus qu’il ne gouverne. Il prend soin.

Regardons Jésus sur les routes de Judée et de Galilée. Il parle avec autorité mais on ne le voit guère commander. Il n’exerce son autorité que sur les démons, la maladie, les éléments hostiles. Paul dira : « sur ce qui nous est contraire ». D’où les consignes données aux apôtres : « guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. » À nous, les apôtres aujourd’hui, de traduire ce langage symbolique dans les différentes situations où nous nous trouvons. Toujours il s’agit de nous faire les alliés des hommes contre tout ce qui leur fait de mal. Alliés, sans volonté de domination, sans obsession de convertir.

Laissons-nous bouleverser par l’immense respect de Dieu pour l’homme. Les apôtres, et nous à leur suite, devons faire nôtre ce respect. Donner gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement, sans exiger que soit reçu ce que nous voulons donner. Dans la liberté et la gratuité.

La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux. C’est Jésus qui dit cela, déjà. Souvent on interprète cette métaphore en assimilant les ouvriers aux responsables ecclésiastiques, les prêtres et aussi aux religieux et religieuses. Cela n’est pas illégitime mais décalons un peu le regard.

Quelle est la moisson ? De quoi souffrent les foules au point d’éveiller la compassion de Jésus ? Elles sont fatiguées et abattues. Il n’y a pas de pasteur pour les conduire vers les eaux du repos et les verts pâturages du psaume 23. La moisson, plutôt que des hommes ou des femmes, ne serait-elle pas la nourriture, le blé, le pain que Jésus multiplie et fait distribuer par les disciples ? Du coup ce qu’il faut moissonner ce ne serait pas les hommes mais tout ce qui peut les alimenter, les faire vivre, leur procurer le repos au milieu des tracas de l’existence. Les apôtres sont envoyés non seulement pour libérer les hommes de leurs démons meurtriers mais pour récolter dans le monde les nourritures nécessaires. Matérielles : du pain, un toit ; intellectuelles : la formation, l’ouverture de l’esprit ; spirituelles : l’ouverture au sens, à la transcendance, à Dieu.

Cela, les disciples, les apôtres peuvent le transmettre sans condescendance parce qu’ils l’ont eux-même reçu, sans mérite, gratuitement. Oui, avec le bon pasteur, tout est gratuit.