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Solennité de l'Annonciation du Seigneur 2023

Fr Joël-Marie Boudaroua op

Luc 1. 26-38

Nazareth. Nazareth en Galilée. Début des années 30 du siècle dernier… Une foule de pèlerin se presse dans les rues, à la découverte de la Grotte de l’Annonciation ou de la tombe du Juste… peut-être celle de st. Joseph. Le Père Lagrange a dû croiser ces pèlerins, qui sont des pèlerins déçus par ce qu’ils voyaient des lieux saints, c’est-à-dire pas grand-chose car il n’y a pas grand-chose à voir. Alors, persuadé que la gloire de Marie est dans son intérieur, il se propose d’écrire quelque chose sur la vie cachée de Marie à Nazareth. Voici ce texte1 :
« Que faisait Marie à Nazareth ? Nous n’en savons rien. Savons-nous seulement ce qu’y fit Jésus ? Il travaillait dans ce qu’on ose à peine appeler l’atelier de celui qui passait pour son père. Il allait à la synagogue le samedi. Il vivait dans la compagnie de Marie, sa mère, de saint Joseph, sans doute aussi de quelques parents et amis puisque la sainte famille n’était pas un monastère avec sa clôture […]. Ainsi Marie, dans son adolescence, s’occupait des soins du ménage, allait à la fontaine, la cruche couchée sur sa tête, en revenait la cruche droite et bien en équilibre sur son front. Elle tissait peut-être et cousait. Quand nous aurions établi tout cela, nous serions plus en repos sur l’exactitude de ces traits de la vie d’une jeune fille à Nazareth ; nous ne saurions rien de plus de Marie. […] Et c’est cette insignifiance même, le vide apparent de ces journées grises – en dépit du beau soleil – qui peine nos pèlerins les mieux disposés. […] Pouvons-nous nous figurer ainsi Notre-Dame, la Reine du Ciel, la très sainte Vierge destinée à être l’auguste mère de Dieu […] dans une vie si ordinaire, cette gaine de petites choses, l’existence commune d’une fillette dans un village ignoré, sans que rien la distingue d’une Rachel ou d’une Sarah, qui vont avec elle sur le chemin, dont le rêve est de trouver un Jacob ou un Lévi selon leur cœur […]. »
C’est ainsi, explique encore le P. Lagrange qu’en Marie, à Nazareth, allait s’accomplir la chose la plus extraordinaire qui soit : « Un ange a abordé Marie […] dans le silence de sa demeure, si simple qu’on pouvait à peine la nommer une maison […] et l’ange a proposé à Marie, au nom de Dieu, d’être la mère du Messie […] ; elle apprend maintenant le secret des secrets, la merveille des merveilles, comment la sainteté de Dieu, qui se plaisait aux retranchements et aux abaissements de la créature, aujourd’hui […] ferait œuvre de fécondité ».
C’est cela l’Annonciation. C’est quand, dans un admirable échange, comme disent les Pères de l’Église, Dieu prend notre chair et nous donne part à sa nature divine. Mais c’est aussi, plus prosaïquement peut-être, quand il prépare, dans l’ordinaire des travaux et des jours, des choses extraordinaires ; quand son ange nous visite dans ces journées qui ne sont remplies de rien ; quand il fait œuvre de fécondité dans le vide apparent de nos vies comme il a fait œuvre de fécondité dans l’apparente insignifiance de la vie de Marie, tout au long de ces journées grises où pourtant s’accomplissaient les promesses faites à Abraham et où commençait à briller l’étoile de la Rédemption.