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5ème Dimanche du To A

Fr Ghislain-Marie Grange op

Mt 5, 13-16

Vous êtes la lumière du monde. Nous aimerions briller aux yeux des hommes, illuminer les autres de notre sagesse et être admiré en retour. Ce que Jésus nous propose nous semble très séduisant. Nous aimons bien être écoutés quand nous parlons ; être applaudis quand nous faisons de bonnes plaisanteries. Moi-même, j’aime bien voir des regards captivés pendant que je prêche.
Ce n’est pourtant pas tout à fait ce que Jésus nous propose en nous demandant d’être la lumière du monde. Saint Paul n’est pas venu annoncer le mystère de Dieu avec le prestige de la parole mais en s’appuyant sur le Christ crucifié. Il préfère annoncer le Christ à partir de la faiblesse humaine pour que se manifeste la puissance de Dieu. Il préfère s’effacer pour que Dieu soit rendu présent.

Alors que signifie l’affirmation de Jésus selon laquelle « nous sommes la lumière du monde » ? Est-ce compatible avec le fait d’être faible, avec l’abandon de la sagesse humaine ?
Il y a deux types de lampes. Il y a celles qui produisent de la lumière, comme le Soleil. Et il y a celles qui ne font que refléter la lumière, comme la Lune. Dans le domaine de la vie chrétienne, produire de la lumière nous est impossible. On peut être un bon mécanicien et apprendre aux autres à réparer des voitures ; on peut être bon cuisinier et apprendre aux autres à faire la cuisine. Mais on ne peut pas donner la grâce de Dieu, ni à soi-même, ni aux autres. On ne peut pas produire ce qui est divin, on peut seulement le recevoir de Dieu.
En revanche, on peut refléter la grâce de Dieu comme la Lune reflète la lumière. Et la liturgie compare souvent la Vierge Marie à la lumière de la Lune. Les dons que nous avons reçus de Dieu peuvent rayonner, peuvent avoir leur effet sur d’autres. Pour prendre une autre image, on peut illuminer comme ces statues phosphorescentes qu’on trouve dans le commerce (surtout dans les boutiques de Lourdes). On peut s’imprégner de la lumière divine, puis briller auprès des autres. Pour nous, c’est la seule manière d’être des lumières.
Si nous abandonnons la sagesse humaine, c’est donc pour nous nourrir d’une sagesse plus haute, celle de Dieu. Si nous sommes faibles, c’est pour devenir forts de la force de Dieu. Et non pas pour rester craintif et abandonner toute sagesse. Nous deviendrons lumières non pas en étant brillants pour nous-mêmes mais en laissant la lumière de Dieu nous éclairer.
Paradoxalement, ce type d’illumination peut être très discret. Pensons à la Vierge Marie : elle a illuminé l’Église tout en ayant une vie humble et cachée. Le Soleil était le Christ, elle n’a fait que refléter sa lumière. Elle est restée auprès du Christ puis auprès des apôtres en les accompagnant de sa prière et de sa présence.
L’épître à Diognète, écrite par un auteur chrétien anonyme de la fin du IIe siècle, comparait la place des chrétiens dans le monde à celle de l’âme dans le corps. L’âme est bien active, c’est elle qui donne la vie au corps. Et pourtant, on ne peut pas la toucher du doigt. Les chrétiens sont présents en faible nombre mais ils ont pour rôle de faire grandir la vie spirituelle du monde, toujours menacée d’extinction.
Nous serons donc la lumière du monde, non pas en étant des stars adulées, mais en devenant de petites étoiles qui permettent de se repérer ; de petites étoiles qui parent le ciel et permettent aux marins perdus de se repérer.
Comment exercer ce rôle et devenir toujours plus une lumière reflétant la lumière divine ? Il n’y a pas trente-six solutions. En se nourrissant des sacrements, en lisant la Parole de Dieu, en priant. En passant du temps avec Dieu pour s’imbiber peu à peu de la vie divine. C’est aussi la tâche du prédicateur, essayer de faire passer quelque chose du mystère divin avec ses mots à lui, en conduisant à la parole de Dieu.
« Que votre lumière brille devant les hommes, dit Jésus : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5, 16)