Close

24ème Dimanche du To

Fr Antoine Desfarges (Bec Helloin)

Lc 15, 1-10

En proposant en même temps à notre méditation les deux paraboles que nous venons d’entendre et
celle du fils prodigue, qui les suit dans la version longue de cet Evangile, l’Église dans sa sagesse nous
invite à y rechercher ce qui les unit. Or ces trois récits sont traversés par une même thématique en cinq
étapes qui dessinent le mouvement même du mystère de la Rédemption que Jésus est venue nous offrir
en s’incarnant dans notre monde. Dans chacune de ces paraboles, en effet, il est question de perte, de
recherche, de retrouvaille, de conversion et de joie.
A travers les figures de la brebis, de la drachme ou du fils dit prodigue, c’est notre humanité égarée
dans les chemins du péché et de la mort qui nous est présentée. C’est chacun d’entre nous, plus ou moins
blessé, plus ou moins errant dans l’obscurité du non-sens, plus ou moins enfermé dans nos manques
d’amour et nos refus de pardon, plus ou moins perdu sans connaître le chemin d’un lieu habité, comme
le chante le Psaume. Cet égarement et cet aveuglement peuvent parfois être si profonds que nous ne
saurions en sortir par nous-mêmes et qu’il nous faut l’aide et la compassion du Seigneur pour
commencer à percevoir ce manque qui nous constitue.
En partant à notre recherche dans les ténèbres de nos vies, dans les ténèbres de nos cœurs, le
Seigneur y introduit cette douce lumière qui nous permet justement de découvrir ce qui en nous manque
à la lumière. En portant sur chacun d’entre nous un regard aimant et compatissant, sans jugement ni
condamnation, le Seigneur nous ouvre un chemin de vie et d’espérance et nous donne la possibilité de
faire retour sur nous-mêmes pour revenir à lui.
Le Christ manifeste toujours une extrême miséricorde pour les pécheurs. L’accueil qu’il leur
réserve, ainsi qu’aux gens peu recommandables, le regard qu’il pose sur eux, son jugement qui porte plus
sur l’orientation de leur cœur que sur leurs actes, tout cela déroute, trouble, scandalise les bien pensants ;
ils la jugent excessive, néfaste même, et la considèrent comme une injustice à leur égard ! Eux, qui
pensent avoir droit à la reconnaissance de Dieu pour leurs bonnes œuvres, s’estiment lésés et sont jaloux
de l’attention que Jésus porte à ceux que la loi condamne ou tient pour peu fréquentables.
Dans tous ces témoignages, il y a une constante, sur laquelle Jésus reviendra continuellement : le
Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Point n’est besoin d’être voleur, malfaisant,
adultère, pour bénéficier de la miséricorde de Dieu ; la poutre qui est dans notre œil déforme notre regard
sur autrui et nous aveugle sur nous-mêmes ; nous sommes donc les premiers à avoir impérieusement
besoin de la miséricorde de Dieu. D’ailleurs, nous ne pouvons pas nous donner le Salut, serions-nous
sans péché ; il est une grâce, et notre conversion en est le fruit, témoin, le retournement de Zachée, causé
par la venue de Jésus chez lui ; témoin, le retour du fils prodigue, aux motivations intéressées, mais
devenant authentique conversion, à partir du moment où le père, en courant au devant de lui, fait une
grande partie du chemin et le revêt de son amour.
Certaines rencontres de Jésus ne nous révèlent-elles pas, en acte, cet amour infini du Père pour ses
enfants perdus ? A la Samaritaine : si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à
boire », c’est toi qui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ; à la femme adultère : moi non plus, je
ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus ; aux Pharisiens qui lui reprochent de manger avec les
collecteurs d’impôts et les pécheurs : ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les
malades. Allez donc apprendre ce que signifie : c’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je suis
venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. Et l’on pourrait multiplier les exemples.
La conclusion de tous ces épisodes est la même : la joie qu’éprouvent ceux qui font l’expérience du
salut. Cette joie, qui est en nous le signe de la tendresse de Dieu à l’égard du pécheur, est aussi celle
même de Dieu quand il nous voit revenir à Lui, que nous nous soyons franchement détournés de Lui ou
que nous nous soyons un instant seulement égarés. Et comme le chante une de nos hymnes, la joie de
Dieu ne passe pas, qui change tout en espérance. Quand les Pharisiens et les scribes pointent la conduite
répréhensible ou inadmissible des collecteurs d’impôts et des pécheurs publics, Jésus, lui, voit et reflète la
miséricorde du Père qui, parce qu’Il est amour, pardonne et relève, libère et recrée. Serait-il vraiment
père, celui qui jugerait son enfant et l’enfoncerait dans son mal ?
Le propos de Jésus est ici tout orienté vers le Père, vers son cœur compatissant et son désir de nous
voir debout et de nous rassembler tous dans son amour : voilà la bonne nouvelle qu’il est venu nous
révéler par sa mort et sa résurrection. C’est le Père qui est premier, et seule la conscience de son amour
est le ressort profond de notre conversion. C’est parce que nous confessons l’amour de Dieu pour tous les
hommes et donc pour nous-mêmes, que nous pouvons confesser notre péché pour en être délivré.
Alors oui, frères et sœurs, quelle que soi notre misère et le poids de nos culpabilités, tournons-nous
vers ce Père qui nous attend, et, d’où que nous venions, laissons-Le se précipiter vers nous et nous serrer
contre Lui. Ouvrons-nous à son désir de nous chercher et de nous retrouver pour nous attacher à Lui ;
offrons-Lui la joie d’être Père jusqu’au bout, jusqu’au pardon sans lequel il ne le serait pas encore
pleinement