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Solennité de l'Annonciation 2022

Fr Jean-Michel Maldamé op

Lc 1. 26-37

Marie porte du ciel

Dans le temps de l’Avent qui prépare à la célébration de Noël, la lecture du récit de l’Annonciation s’attache à la venue du Messie. Toute l’attention se porte sur le Fils de la Promesse, le Fils de David. En célébrant au printemps l’Annonciation, c’est Marie qui est au cœur de notre célébration. Elle est considérée pour elle-même. Il n’est donc pas vain de relever que le récit de Luc n’est pas seulement un propos messianique, mais le dévoilement de ce qui advient à une femme, une fille exemplaire du peuple élu. Figure inaugurale de l’humanité nouvelle, elle est aussi un modèle pour nous, puisque « bénie entre toutes les femmes ».

La lecture du texte est rapide (selon mon regard sur la montre : 2 minutes !). Un rien dans le temps. Et pourtant, il s’est passé tellement de choses dans le cœur, l’esprit et le corps de cette enfant d’Abraham, figure exemplaire de la foi comme l’indique la tradition picturale où Marie est représentée lisant le livre ou Isaïe annonce « la vierge concevra et elle enfantera un fils auquel elle donnera le nom d’Emmanuel Dieu-avec-nous » (Is 7, 14). Dans la maison de Nazareth, Marie a vécu le plus vif de ce que femme peut vivre au printemps de sa vie. J’y relève sept étapes !
D’abord, la surprise quand vient le Messager de Dieu qui l’invite à se réjouir en l’appelant de son nom. Puis Marie est plus que troublée ; elle est bouleversée parce que tout s’écroule dans ses prévisions, ses attentes et ses projets de future épouse d’un fils de David, Joseph. Ensuite, l’envoyé de Dieu la rassure et lui demandant de ne pas craindre – ce n’est pas parole de courtoisie, mais reconnaissance de la situation de celle qui a peur devant la manifestation de Dieu, le « Dieu trois fois saint ». Puis l’envoyé de Dieu délivre son message ; il lui annonce ce qui viendra si elle consent à la demande de Dieu. Marie écoute. Elle reconnaît dans les paroles du Messager de Dieu la promesse dite par le prophète Isaïe concernant la venue du Messie (Is 7,14). Cette intelligence est signifiée dans la tradition par le livre ouvert à la page où est écrite l’annonce de la conception de l’Emmanuel. Marie est lucide. Peut-on dire qu’elle est heureuse de voir que la promesse de Dieu va s’accomplir et que le désir de son peuple va se réaliser ? Ce qui est sûr, c’est que Marie sait que Dieu fait ce qu’il a promis et que c’est maintenant – si elle y consent !
À la fine pointe de son intelligence, sur le socle de la connaissance de la Tradition, Marie présente une objection qui relève du bon sens : comment cela peut-il se faire au temps de sa virginité ? La réponse de l’ange porte-parole de Dieu dévoile un horizon nouveau. Commence un temps nouveau : le temps promis par les prophètes, le temps de l’Esprit Saint. Désormais, selon la belle image qui parle à ceux qui peinent dans le désert et portent les pesanteurs et la chaleur des jours, l’Esprit Saint prendra Marie « sous son ombre ». L’enfant à qui elle donnera la vie ne sera pas un fils de David parmi bien d’autres ; il sera le Fils de Dieu. Marie entend le texte du prophète dans son sens majeur, celui qui a mûri au long des épreuves vécues par le peuple élu, sens explicité par la traduction grecque : « La Vierge concevra ; elle enfantera un fils à qui elle donnera le nom d’Emmanuel ».
Ainsi s’accomplit la Promesse, au-delà de l’aspiration du nationalisme juif. Une femme est devant la fulgurance d’une annonce. Elle passe par bien des états : elle est surprise, effrayée, bouleversée, éveillée, érudite, lucide et courageuse.
La réponse de Marie est exemplaire. En disant : «  Qu’il me soit fait selon ta parole », elle emploie (pour la grammaire) une formule passive qui n’implique aucune passivité de sa part. C’est le commencement d’un temps nouveau. C’est de ce temps que nous voulons être les acteurs et les témoins par le don de notre vie.