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27ème Dimanche du TO B

Fr Maxime Allard op

 Mc 10. 2-12

L’opéra débute abruptement: un beau prince entre en scène poursuivi par un énorme serpent. Vous aurez reconnu le premier épisode de La Flute enchantée de Mozart. Il chante : à l’aide… à l’aide, sinon je suis perdu… ». De l’aide, il en aura. Mais c’est une autre histoire : https://youtu.be/JElOp7TsF60?list=RDJElOp7TsF60 .
À l’aide! À l’aide! Ce cri, il faut parfois avoir le courage de le pousser. Je reconnais que j’ai besoin d’aide, que je ne suffis pas à la tâche et j’en souffre. Surtout, je dois avouer que je ne me suffis pas ! Je ne parviens, seul, solitaire, ni à comprendre d’où je viens, ni à interpréter ce qui se passe, ce qui me passe sur le corps et, moins encore, à anticiper ce qui vient, ce qui pourrait m’arriver. L’avenir m’angoisse. Je ne suis certainement pas le seul à qui cela soit arrivé. Vous et moi, au cœur de nos vulnérabilités, de nos souffrances, de nos limites, devant la mort, celle d’êtres aimés ou la nôtre. Nous sommes donc dans une situation pire que celle d’Adam, dans son luxuriant jardin, se promenant le soir, pour digérer ses fruits et légumes, avec Dieu… Et pourtant, lui aussi demandait de l’aide!
Pas n’importe quelle aide. Quelle aide ? Une aide qui lui corresponde, qui me corresponde, qui vous corresponde. Quelqu’un qui puisse me comprendre, sentir avec moi, pressentir mes besoins, soutenir mes faiblesses, contribuer, collaborer et coopérer à mon œuvre qui deviendrait alors notre œuvre commune. L’union ferait notre force!
De l’aide qui nous corresponde ? Quelqu’un avec qui parler, échanger. Quelqu’un qui puisse répondre à mes questions et mes attentes. Quelqu’un dont je comprendrais et partagerais aussi les soucis et les peines, les joies et les espérances. Quelqu’un que je pourrais reconnaître. Quelqu’un en qui me reconnaître. Quelqu’un envers qui je pourrais être reconnaissant… Un cheval ou un bœuf? Cela aide, certes, mais le dialogue est court en général. Un chat ? Trop indépendant. Une chienne, meilleure amie des humains ? Elle semble bien me comprendre et ressentir ce qui me fait vibrer mais de là à me répondre, à me correspondre, il y a une marge. Je ne dirai rien de la brebis ou de son loup, de la grenouille et de son ouaouaron, de l’acarien ou de tyranosaurus rex!
À mon appel à l’aide, à nos appels à l’aide, en écho à l’appel d’Adam, correspond le souci de Dieu : « il n’est pas bon que l’homme soit seul »! L’humain est avant tout solidaire, communautaire. Aristote avait écrit qu’il était animal politique. Le Moyen-Âge latin avait traduit par animal social. Qui de mieux pour me correspondre qu’un autre moi-même ?… Mais trop de moi-même, la démultiplication de moi, m’aiderait-elle vraiment ? Ne faut-il pas une différence : associer des forces diversifiées, cela aiderait encore plus. Spinoza, marqué par les Écritures, ne s’y était pas trompé : quoi de plus utile à un humain qu’un autre humain, qu’une communauté d’humains, tous différents, tous occupés à advenir et à actualiser ce que c’est que d’être humain. Dieu ne s’y est pas trompé lorsqu’il modela Ève, la femme d’Adam. Il ne s’est pas trompé, non plus, lorsqu’il envoya son Fils, né d’une femme, pour être semblable à nous, à une différence près (il fut sans péché, diront les Écritures). La différence permet la reconnaissance mutuelle. Elle est salutaire, réjouissante. Écoutez Papageno exulter comme Adam lorsqu’il rencontre enfin sa Papagena toujours dans La Flute enchantée : https://youtu.be/Ba9Y6CHLL10.
Bien-sûr, et j’en conviendrai aisément, tout ceci est écrit depuis la perspective d’Adam. Il est fort connu que les femmes, pour presque tout, peuvent se passer d’hommes… Alors que l’inverse relèverait du fantasme. Mais bon, dépassons ceci. Tentons de le comprendre depuis la perspective de « Dieu » puisque c’est d’elle, après tout et malgré tout, que traitent les Écritures proclamées comme Parole de Dieu en ce dimanche.