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17ème Dimanche du TO A

Fr Jean-François Bour op

Matt 13. 44-46

Voici pour nous une parabole, un récit imagé plein de trésors.

Il est question du Royaume des Cieux, appelé aussi Royaume de Dieu dans d’autres textes, une réalité qui nous échappe encore, que nous devinons le plus souvent, une réalité que nous comprenons comme un monde lumineux, paisible peut-être, réconcilié : un monde nouveau dont Dieu a le secret. Et voici que notre évangile ce matin nous invite à creuser la terre, à chercher, à nous activer comme un pécheur tirant des profondeurs une belle pêche.

Jésus, comme vous le voyez, n’hésite pas à comparer le Royaume à un chargement de poisson. C’est évident et il faut s’y faire : vu le nombre de références au poisson dans le nouveau testament, le Christ, le Fils de Dieu, raffolait du poisson, surtout grillé comme les récits de résurrection le racontent.
D’ailleurs, cela m’invite à dire dès maintenant que le Royaume, ici comparé à une belle pèche, est la promesse d’un beau repas, d’un moment de partage et de fraternité. Ceux qui attendaient le festin de viandes grasses doivent se préparer aussi à une belle friture !

Mais revenons à ce Royaume à chercher là où il se cache, dans les profondeurs de la terre, au milieu des perles ou au fond de la mer. Le Royaume est caché, certes mais il est bien là. Il est caché au cœur de la nuit peut-être même, dans l’ombre de la terre où il germe doucement. Il est caché au cœur de l’ombre et de nos nuits, de nos dérélictions souvent et à tâtons, alors que dépouillés nous atteignons le fond, voilà que se révèle à nous une présence inattendue, un amour inaltérable, un visage peut-être – et si nous regardons bien, nous verrons qu’il est crucifié avec nous.

Mais le Royaume n’est pas toujours enfoui ainsi dans la nuit, dans l’ombre de la terre, il est parfois simplement au milieu des perles dont nos vies sont remplies. Je partage cette semaine plusieurs moments de partage avec des amis, de fraternité avec les sœurs ou les hôtes : des perles. C’est lumineux et voyez comme la perle de grande valeur ressemble aux autres. Certes elle est de plus grande valeur, car le Royaume dépasse ce que nous pouvons imaginer. Mais elle a beaucoup en commun avec les autres perles communes et pourtant déjà très belles. Le Royaume entre en résonance avec la justice que nous mettons en œuvre, avec la fraternité et la réconciliation que nous vivons, avec la vérité que nous osons faire aujourd’hui déjà, dans nos vies, nos familles, nos communautés, nos pays, nos Églises.

Car il faut bien le dire, ce trésor que nous allons trouver, dans un champs ou au milieu des perles, ce trésor remonté des profondeurs, il va nous réjouir et nous apparaître digne de l’humanité oui, mais il va se montrer d’autant plus exigeant. Ce trésor annonce bien la douceur d’un repas, et prolonge tous les élans lumineux de nos vies, mais il projette aussi l’ombre de la Croix, c’est à dire qu’il offre à nos existences la lumière d’un amour qui est justice de Dieu. C’est pourquoi, le Royaume qui surgit, mêlé à tout ce qui est ténébreux dans notre monde (ainsi qu’on le constate pour le filet de poisson) est aussi la perspective d’un discernement car tout ne peut être conservé.

En nous les scories et toute méchanceté sera balayée ou peut-être transformé par le feu qui en Dieu n’est autre qu’un amour sans défaillance, même pour les méchants. Aussi la fournaise décrite dans ce texte parle sans doute d’une incompatibilité entre l’amour divin et la méchanceté des méchants, mais il me paraît possible d’imaginer que les mauvais poissons ne sont pas que mauvais, et que pour Dieu, une transformation dans l’amour est encore possible pour ceux qui se laisseront transformer. Mon Dieu, ma Miséricorde, que vont devenir les pécheurs ! Ce cri de notre Père Saint Dominique interroge le Seigneur comme nous ce matin sur la manière dont Dieu met sa Justice en œuvre.
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Royaume caché – voilà une bien étrange affaire – comme si Dieu ne voulait jouer à cache-cache. Mais peut-il faire autrement pour préserver nos libertés, notre autonomie d’humains. Et puis, ne voyons nous pas par cette parabole que le Royaume surgit là où nous sommes, là où nous nous activons déjà. C’est dans le champs qu’il labourait que le paysan a trouvé le trésor. C’est dans son panier de perles que le négociant qui se consacrait à ce travail a trouvé la perle rare, et c’est encore en exerçant sa compétence que le pécheur remonte du bon poisson qu’il trie d’ailleurs lui-même : Ah ?
N’aurions-nous pas chacun, selon nos chemins, nos compétences, nos charismes et nos dons notre aptitude à trouver le Royaume, pourvu que nous y prêtons attention comme l’aurait peut-être dit la philosophe Simone Veil ? Un peu d’attention, et chacun de nous a sa façon d’être attentif nous ferait-il trouver le Royaume ? Oui, et là même où nous nous activons déjà. J’en suis certain. Et j’ajouterais même que cela est vrai pour tout homme puisque « l’Esprit Saint, offre à tout homme, d’une manière que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » dit le Concile Vatican II. C’est que le cœur de nos vies est déjà travaillé par le don de Dieu.

Osons descendre dans les profondeurs frères et sœurs. Ne restons pas à la surface nous dit ce texte. Certes nous y trouverons peut-être de la boue, et de la méchanceté, des lézardes profondes, et des maladies de l’âme ou de l’esprit. Prions le Seigneur de nous aide à creuser. Prions pour qu’il mette sur nos routes ce scribe scrutant la Sagesse et capable de nous faire voir comment l’expérience spirituelle de nos ancêtres dans la foi ouvre pour nous une découverte toujours neuve d’un Royaume encore à paraître et toujours à chercher. Nous découvrirons alors, comme ceux qui lui ont préféré tous les biens, la joie de perdre pour tout gagner.