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2ème Dimanche TP A

P M Mounier

“Parque que tu as vu, tu as cru”

Jn 20. 19-31

Parque que tu as vu, tu as cru“. Dans l’Évangile de Jean ce couple voir/croire revient souvent. « Vous avez vu et vous ne croyez pas ». A la vue de Jésus et des signes qu’il fait, les hommes devraient croire qu’il vient bien de Dieu. D’une certaine façon, c’est un peu étrange car l’ensemble de l’Écriture se méfie d’une foi qui exige de voir pour se confirmer. Cela revient à « tenter » Dieu, à lui forcer la main pour qu’il prouve par des signes qu’il est bien « avec nous ». La vraie foi biblique vient de l’écoute. Elle consiste à se fier à la parole de l’autre, au lieu d’exiger des preuves. « Parce que tu m’as vu tu crois, heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Pour nous, nous sommes au temps du « croire sans voir » et c’est pour cela que les miracles que l’on signale ici ou là, apparitions, guérisons, n’ont guère d’importance pour la foi et ne sont en aucun cas un « article » de foi.
L’Évangile nous dit, dans ce qui est sa première conclusion, que les signes racontés tout au long ont été mis par écrit « pour que vous croyez ». Notre foi est ainsi accueil d’un récit, d’une parole qui nous rejoint à travers les siècles. La lettre de Pierre nous l’a dit : « Lui, vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable. »
Jésus a donc rejoint l’invisibilité de Dieu. Thomas, notre jumeau, parce que comme nous il « n’a pas vu » refuse de croire sans voir. Et voilà que Jésus se plie à son exigence, et nous pouvons voir là l’indulgence de Dieu, sa faiblesse par amour devant notre faiblesse par défiance. Et le récit insiste sur la réalité de la mort, et de la crucifixion : mets ta main dans mon côté. Oui, la mort s’impose, on ne peut passer à côté. La croix n’est pas un faux semblant, c’est le crucifié qui est ressuscité.
Que pouvons-nous recevoir encore de ce récit ? Ne passons pas trop vite, sous prétexte que cela finit bien, sur l’attitude de Thomas au départ. Elle illustre parfaitement le péché selon la Bible. Ce n’est pas une peccadille comme on l’a trop caricaturé. La racine de tout péché c’est la défiance devant la parole qui dit que Dieu est amour. Or, dans le verset qui précède l’apparition de Thomas, nous entendons Jésus dire : « Ceux à qui vous remettrez les péchés ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». N’est-ce pas ce qui arrive à Thomas ? Jésus, et à travers lui Dieu, se rend au désir dévoyé de l’homme et surmonte son péché. De l’homme Thomas et de tous les autres ensuite. Ne faisons pas une équivalence entre remettre et retenir. La possibilité « théorique » de retenir est la condition du « remettre » authentique. Et ceux qui ont le pouvoir de remettre sont ceux qui ont fui à l’heure décisive. Les pardonnants sont des pécheurs pardonnés. Tout de suite, en faveur de Thomas, Jésus « remet » le péché fondamental de défiance. Il est ainsi le premier « ministre » du sacrement. Il nous montre ainsi que, sauf en situation très grave, le seul pouvoir du pardon est à exercer, comme le rappelle si souvent le pape François.
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint ». Le souffle de Jésus sur ses disciples reconduit le souffle de Dieu qui arrime l’homme dans le 2ème récit de la création. A la suite des disciples, croyants sans avoir vu pour ce qui nous concerne, ayant nous aussi reçu le souffle de l’Esprit, puissions-nous être des pécheurs pardonnées pardonnants.