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27ème Dimanche du TO C

Fr Jean-Michel Maldamé, op

Luc 17-5-10

Les deux paroles de Jésus dites lors de sa montée à Jérusalem sont insupportables pour quiconque les reçoit pour ce qu’elles signifient (le tranchant du propos ne devant pas être émoussé). Dans la première, les apôtres doivent planter des arbres dans la mer : c’est de la folie ! Dans la seconde : quoi qu’ils fassent ils sont des serviteurs inutiles : c’est une humiliation ! Il s’agit des disciples. Il s’agit de nous ! Entendons bien. La première parole nous place devant l’impossible ; la seconde devant l’inutile. Comment entendre impossible et inutile ? Si nous plaçons ces deux termes devant nous comme des jugements définitifs, ces paroles forment une barrière infranchissable : le passage est impossible et ce qui peut être fait inutile. Bref ! C’est une impasse. Les philosophes modernes diraient : « c’est absurde ! » et les classiques : « vanité ». Pour nous croyants, lier l’Évangile à l’impossible et à l’inutile est un non-sens. Pourquoi alors ces paroles ont-elles été placées dans l’Évangile ? Cette question a une réponse simple : d’abord, Jésus les a dites et, ensuite, quand l’évangile a été écrit quelque cinquante ans après, c’est qu’elles ont été vécues, éprouvées et vérifiées par ses disciples. Comment les entendre ?

Pour les entendre, il nous faut commencer par le commencement et se demander : qui parle ? C’est clair : Jésus parle à ses disciples. D’où parle-t-il ? Il n’est pas indifférent de constater que Jésus prononce ces paroles au moment où il monte à Jérusalem, ayant conscience qu’il aura à non seulement à affronter les refus mais à être crucifié. Situées dans ce mouvement, les paroles sur l’impossible et l’inutile ne sont pas une barrière, mais une manière de baliser la voie qu’il emprunte. Tout chemin a des bords. L’impossible et l’inutile sont comme les limites de la voie. Entre l’impossible et l’inutile s’ouvre un espace pour que se déploie la route ou le chemin. L’impossible et l’inutile définissent l’espace de la vie !
Le mot « impossible » n’est pas une barrière ; c’est une invitation à créer et à faire du neuf en allant de l’avant. Une invitation à briser avec les asservissements du monde.
Le mot « inutile » est une invitation à choisir et à déterminer les priorités dans le champ de l’action.
Ainsi reconnus, l’impossible et l’inutile disent l’exigence de choisir et d’aller de l’avant.

Jésus monte à Jérusalem. Il le fait résolument. En lui, il a une parfaite conscience des enjeux de cette montée. Sa montée à Jérusalem n’est pas celle du pèlerinage traditionnel pour rafraîchir sa vie religieuse ou son cœur au fil des jours inchangés. C’est nouveau ! Sa montée à Jérusalem s’inscrit dans l’accomplissement de sa Mission, la volonté du Père. Ce n’est pas un acte rituel dans la pratique religieuse de commémoration, mais un projet pour le monde entier. Jésus monte à Jérusalem. Ses disciples l’accompagnent et ils partageront sa démarche pour réaliser avec lui la mission qu’il a reçu du Père. C’est un accomplissement. Comme Luc rapportant ces paroles, nous savons que cet accomplissement sera la mort sur la croix et la résurrection. Cet acte est au-delà du possible en l’état actuel du monde. Cet acte est d’un autre ordre que ce qui relève d’une vie asservie aux exigences de l’utile, la loi du marché.

Telle est notre route. Sans rien nier de notre condition humaine, l’impossible advient dans les actes d’amour que nous faisons dans l’Esprit que Jésus nous a donné. L’inutile signe notre liberté, car nous ne sommes pas enfermés dans le cercle du même. Ce que nous vivons participe déjà de l’éternité de Dieu.