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2ème Dimanche de Carême C

Fr Benoît Delhaye op

Luc 9. 28b-36

La transfiguration de Jésus nous est proposée par la liturgie du 2e dimanche de carême. Si cet événement unique en son genre de la vie du Christ revient chaque année en ce temps de préparation à la fête de Pâques, c’est probablement qu’il nous enseigne quelque chose d’important sur Jésus. Pourtant, le simple récit que nous venons d’entendre peut nous sembler bien mystérieux et donc ne pas nous aider énormément à entrer dans ce temps de prière, de jeûne et de charité. Jésus dévoile à ses plus proches disciples qu’il n’est pas un homme ordinaire. La lumière, la blancheur qui l’enveloppent tout d’un coup, et la présence de Moïse et d’Élie ont de quoi impressionner les témoins de la scène, et les laisser perplexes devant ce qu’ils viennent de voir.
En ce qui nous concerne, l’événement de la transfiguration nous émerveille, comme les disciples. Mais comment le comprendre ? Pourquoi Jésus a-t-il voulu se montrer sous cet aspect qui impressionne et qui semble plutôt tenir à distance ses disciples que les associer à sa mission ?
Pour nous aider à déchiffrer le sens de la transfiguration, il faut nous remettre dans le contexte du carême. Les dimanches de carême ne sont pas disposés au hasard, les passages de l’évangile que nous lisons ne sont pas simplement chronologiques. Ils attirent notre attention sur des épisodes fondamentaux de la vie de Jésus. Et en particulier, ceux des 2 premiers dimanches. Pour comprendre la transfiguration, il faut donc la mettre en perspective avec l’évangile de dimanche dernier, celui des tentations de Jésus au désert.
En se soumettant aux tentations de Satan, Jésus a éprouvé sa résistance à l’orgueil, à la richesse et au pouvoir. Il a lutté pendant 40 jours, dans la solitude et les conditions difficiles de la vie au désert. Mais il a fini par écarter l’une après l’autre les tentations. Il nous a ainsi montré qu’il était un homme véritable, avec ses faiblesses, plongé dans un monde où il est toujours plus facile de céder à nos tentations que de rester humble. Il nous montre que le combat de chaque être humain contre les plaisirs futiles et les petites gloires du monde est aussi son combat. Il se révèle donc comme notre frère, humain comme nous. Si son combat est aussi le nôtre, alors sa victoire peut aussi être la nôtre. Nous avons en nous les moyens de combattre le tentateur et d’en être vainqueurs.
Aujourd’hui, le récit de la transfiguration ne nous montre pas Jésus comme un homme ordinaire, bien au contraire. Il se révèle comme le Fils de Dieu, comme une personne divine. Et nous pourrions donc assister au spectacle de sa transfiguration les yeux pleins d’admiration, mais sans nous sentir concernés, puisque nous ne sommes pas divins, nous ne sommes pas l’Incarnation de Dieu.
Mais si nous lisons la transfiguration à la lumière des tentations, alors tout devient différent. Si Jésus est le même qui comme nous est soumis aux tentations, alors sa transfiguration peut aussi nous concerner. Il n’y a pas de raison qu’un aspect de sa vie nous concerne, celui du combat contre l’orgueil, et pas l’autre, celui de la transfiguration. Si nous sommes tentés comme le Christ, alors nous pouvons aussi prétendre et espérer être nous aussi transfigurés.
Si les tentations et la transfiguration nous sont proposées l’une après l’autre, au début du carême, c’est qu’il y a un lien entre les deux. Jésus a commencé par lutter les tentations et contre le démon avant d’être transfiguré. Sa transfiguration est la suite de ses tentations, son résultat visible. Elle est le signe visible de la victoire contre les forces du mal. La blancheur et la lumière qui se dégagent de Jésus sont la blancheur et la lumière de sa sainteté. C’est son amour qui illumine et éblouit ses disciples, sa bonté infinie.
La sainteté est manifestée lorsqu’elle a triomphé du mal. Elle n’est pas donnée gratuitement, mais elle est le fruit d’une force et d’une volonté. Jésus a dû se priver et renoncer avant de révéler sa sainteté. Ce qui veut dire que la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés, par notre baptême et par notre foi, cette sainteté que nous devons rechercher passe par des efforts, des sacrifices et des épreuves. Elle est, comme le dit Saint Paul, la couronne de lauriers qui est remise au vainqueur de la course.
Alors ne nous décourageons pas, si la sainteté nous paraît inaccessible. C’est chaque jour, en combattant les tentations de l’orgueil, que nous progressons vers elle. Notre transfiguration ne sera peut-être pas aussi spectaculaire que celle de Jésus, mais elle sera bien là. La bonté se voit sur un visage et rayonne. Nous pouvons être transfigurés chaque jour si nous mettons la charité et l’amour au cœur de nos vies et au sommet de nos valeurs. Le carême nous permet de nous entraîner, encore plus que d’habitude, pour briller de lumière au jour de Pâques. Ces quarante jours ont pour objectif de nous aider à imiter la sainteté du Christ.
L’arbre de la sainteté a ses racines qui s’enfoncent dans le sol de nos vies, un sol fait de tentations, de faiblesse, de péchés, de découragement. Mais si nous le voulons vraiment, si nous prions Dieu de nous aider à progresser dans l’imitation de son Fils, si nous lui demandons le secours de sa grâce, alors nous serons habités par sa lumière. Nous serons capables d’aimer comme Lui, et nous serons transfigurés.