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2ème Dim du TP - B

P Michel MOUNIER

8 avril 2018 

Jn 20,19-31

Thomas s’écrie : « »
C’était après la mort de Jésus. Ce jour-là celui-ci se donne à voir. Il leur montre ses mains et ses pieds. Le transpercé est vu ressuscité. La croix atteste la vérité de la Résurrection. C’est bien lui !
« C’est bien moi » dit Jésus à ses disciples. Le mystère de Pâques n’est pas la mort, mais la traversée de la mort, et cela n’a rien à voir… mais à croire.
Qu’est-ce qu’être croyant quand il n’y a plus rien à voir ? Les disciples disent bien à Thomas : « Nous avons vu le Seigneur » c’est à dire le ressuscité. Et la réponse de Thomas jaillit : “je ne demande pas à voir le Ressuscité mais le crucifié.” Il subordonne son croire à ce voir là.
En disant cela, Thomas répète ce que beaucoup disent quand ils parlent de Dieu : s’il y avait un bon Dieu, il n’y aurait pas tout cela : le scandale de la souffrance, l’injustice, la mort injuste.
Et Thomas qui sait ce que Jésus a enduré au moment de sa passion et de sa mort scandaleuse dit : ” Si vous ne m’apportez pas la preuve que Dieu a quelque chose à dire sur la souffrance et la mort de l’innocent, je n’ai pas besoin de vos affirmations.” N’est-ce pas notre propre question ? En disant cela, Thomas ne se doute pas que la réponse est dans la question même. C’est au crucifié qu’il demande la réponse, et c’est dans la passion même que se trouve la réponse.
Thomas demande au crucifié de dire quelque chose de sa crucifixion. Et si celui-ci dit quelque chose qui tient, alors il croira.
Alors Jésus dit à Thomas : « Touche ».
Thomas comprend alors que le ressuscité qui se tient devant lui est la même personne que le crucifié d’hier. Mais Thomas ne touche pas, il voit et il croit. Ce n’est pas affaire de toucher mais affaire de foi.
Le Ressuscité s’offre à être reconnu vainqueur de la mort. Ce qui est à voir, c’est que Dieu se situe aussi dans la mort du juste, dans les morts iniques du terrorisme, de l’antisémitisme, des migrations, de la grande pauvreté ; dans ces innocents bafoués. Ce qui est à voir c’est que les misères du monde n’éloignent pas de la foi mais révèlent la vérité de Dieu, Dieu crucifié.
Auparavant Thomas avait dit : « Je ne croirai que si je vois ». Maintenant il dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Alors qu’il voit Jésus devant lui, il dit sa foi justement dans ce qui ne se voit pas et ne peut se voir. Thomas est entré dans le voir nouveau qu’est la foi.
Il atteste que celui qui est vraiment là, ressuscité, est le même que celui qui avait été cloué. Il voit enfin ce que Jésus lui proposait de voir vraiment : que les stigmates de sa défaite sont les signes de sa victoire de Christ et Seigneur. Thomas comprend alors le vrai mystère du Christ. Il croit sur sa parole et non plus sur le voir.
Le récit de Jean se termine par une béatitude : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
Heureux. Sans doute beaucoup d’entre nous sont nés chrétiens. Mais nous avons le choix. Etre agnostique ou athée n’est plus une tare sociale, bouddhiste encore moins. Certains deviennent musulmans. Mais je redeviens chrétien devant un Dieu qui me donne à toucher ses plaies. Un Dieu qui ne me toise pas d’une hauteur immatérielle mais vient voir avec moi ce que cela signifie d’avoir un corps, d’être vivant de cette matière-là. Un corps avec à la fois sa soif d’aimer et sa fragilité ; sa vulnérabilité. Jésus est mort de n’avoir pas fui ce que nous fuyons souvent : la vérité de nous-mêmes. Il vient communier au pire de nous-mêmes : la mise à mort de l’innocent.
Ce que nous sommes invités à voir c’est que la mort est la mort, que la souffrance est la souffrance, que la haine est la haine.
Ce que nous sommes invités à voir c’est aussi la vérité de l’homme d’y voir sa propre responsabilité. Croire pourtant, c’est voir Dieu qui a consenti à être, en Jésus, victime de tout cela, lui aussi. La violence et la mort, nous les voyons tous les jours. La victoire sur cette violence et cette mort sont à croire tous les jours.
La vie ressuscitée a le dernier mot. Déjà nous sommes vainqueurs en Christ. Ce n’est pas à voir mais à croire. Je n’ai pas vu, je n’ai pas touché. Nous n’avons pas vu. Mais nous avons été touchés, nous avons cru, nous croyons, si notre peau frissonne d’effroi et de joie en pensant au crucifié ressuscité.