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Epiphanie 2018 B

Fr Philippe Toxé op Lyon

Mt 2, 1 – 12.

Dimanche 7 Janvier 2018

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Même si nous ne portons pas nécessairement des noms aussi originaux que ceux que leur a attribués la tradition, et ne sommes ni alchimistes, ni astrologues, ni devins, ni rois, nous avons beaucoup à apprendre de l’aventure spirituelle de ces mages venus d’Orient, que l’on pourrait appeler l’aventure de l’étoile perdue et de la Lumière découverte.
Comme eux, nous sommes invités à rencontrer le Christ et pour cela il faut nous mettre en route. Et ce n’est pas évident, notre foi n’est souvent pas plus éclairée que celle de ces mages qui n’avaient qu’une étoile à la lueur intermittente pour se guider. Il y a des moments où notre GPS spirituel se bloque, où l’on n’y voit plus clair, où l’on se dit que c’est de la folie de continuer, où l’on est dans le noir, où la route nous semble trop dure, où les évidences s’obscurcissent. Les mages nous invitent à ne pas abandonner notre quête et à continuer notre route vaille que vaille.
Sur ce chemin, il nous faut aussi parfois nous arrêter et prendre conseil auprès des autres, comme les mages le firent en s’enquérant auprès d’Hérode et des docteurs de la loi, de la direction à suivre. Vous aurez remarqué que les autres peuvent donner un bon renseignement, sans pour autant se mettre eux-mêmes en chemin.
Car parfois, ce n’est pas la faiblesse de la lumière qui empêche d’avancer, mais l’installation dans nos évidences et nos certitudes, ou le goût de notre confort matériel ou intellectuel. Nous pouvons être comme Hérode et les docteurs de la loi, savoir et ne pas avancer, entendre la bonne nouvelle du salut et ne pas se laisser rejoindre par le Christ. Nous sommes dans nos livres, nos occupations, nos responsabilités et nous n’en bougeons plus. Nous pouvons faire de la théologie, lire et connaître la bible et ne pas aller à la rencontre du Christ. Les mages, eux aussi, étaient des savants, mais c’étaient des savants qui avaient soif de vérité, qui savaient que cette vérité, elle ne s’enferme pas dans des livres ou des formules qui la disent, mais qu’elle se laisse découvrir peu à peu, à celui qui accepte de se mettre en route, de se faire chercheur. Les mages nous invitent donc à être comme eux des nomades, des chercheurs de vérité, des voyageurs aux pas quelquefois perdus, qui se laissent guider par Dieu, au cœur de son mystère.
Comme les mages, nous sommes invités à faire de notre vie, non seulement une recherche, une quête, mais aussi un hommage au Christ. Gardons-nous d’enfermer ce terme dans un imaginaire d’étiquette de cour royale. Il s’agit d’un acte d’adoration, qui est un acte de reconnaissance et d’offrande. Notre relation au Christ peut se résumer à cela : reconnaître qui il est, Dieu devenu l’un de nous, pour que nous devenions l’un de lui, ses membres participant de sa vie, le reconnaître dans la simplicité et la pauvreté de son humanité, et nous savons que c’est le sens des cadeaux des mages qui présentent au Seigneur : l’or, l’encens et la myrrhe. Ces trois cadeaux lui conviennent puisqu’ils disent qui il est : Dieu et homme, Christ et Seigneur. Les mages nous proposent un credo en rebus.
Ayant ainsi reconnu Jésus, comme notre Dieu, notre frère et notre roi, il nous faut aussi lui offrir ce que nous sommes. C’est ainsi que les mages offrent au Seigneur leurs biens les plus précieux, l’encens de leur prière, l’or de leurs richesses matérielles, la myrrhe de leur pauvreté humaine et des gestes de solidarité. Ce qu’ils ont et ce qu’ils sont, cela appartient au Seigneur. Au début de cette année, où nous offrons des étrennes et nous faisons des cadeaux, nous pouvons aussi nous demander ce que nous offrons au Seigneur, si nous lui ouvrons les cassettes de nos espérances et de nos vies pour qu’il en fasse des instruments du Royaume.
Comme les mages, nous sommes invités à continuer la route « par un autre chemin ». Et s’ils partent par une autre route, ce n’est pas seulement pour échapper à ce fourbe d’Hérode, c’est aussi pour que nous comprenions que notre propre rencontre avec le Christ, nous donne une nouvelle direction, un nouveau sens à notre vie, que cela nous convertit. Et qu’il nous faut donc avec docilité, laisser l’Esprit nous guider.
Nous pourrions trouver que tout cela est une belle histoire, un peu irréelle et mystérieuse : des voyageurs venus dont ne sait où et qui repartent vers l’inconnu. Mais n’est-ce pas un peu l’histoire de l’humanité ? Seulement entre ces deux inconnus, il y a eu la lumière d’une rencontre, celle du Christ, qui change tout. Nous pourrions aussi penser que cette histoire irréelle est belle comme un conte de fées. Mais si la lecture de l’évangile s’est arrêtée à ce verset aujourd’hui, nous savons qu’il y a une suite : la colère d’Hérode, le massacre organisé de plusieurs enfants pour ne pas perdre son pouvoir. Le cri de Rachel qui pleure ses enfants, cri que rejoignent les pleurs et les souffrances d’autre victimes aujourd’hui en Syrie, en Birmanie et ailleurs. L’autre chemin qu’il nous faut prendre après avoir rencontré le Christ, n’est pas un itinéraire bis qui nous ferait éviter la souffrance et le mal, c’est dans un monde marqué par la folie des hommes, la jalousie, les luttes d’intérêts et les conflits d’influence, la violence et le mépris de la vie de l’autre que nous devons avancer. Mais nous devons le faire « autrement », c’est à dire en témoins de celui que nous avons rencontré. L’or, l’encens et la myrrhe de nos vies, que nous avons offerts au Christ, nous devons nous en servir pour qu’advienne le règne du Christ dans ce monde. Voilà le cadeau dont nous devons être au cours de cette année et de toute notre vie, les porteurs auprès des hommes nos frères, pour que la lumière de l’amour du Christ éclaire cette terre et en chasse les ténèbres. Amen.