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Noël 2017 B

Fr Rémi Bergeret op

Messe de la nuit :

Lc 2.1-14

Ecouter !

Lire :

A Montpellier, pour le 1er dimanche de l’Avent, j’ai évoqué la 1ère venue du Christ(ce que nous appelons l’Incarnation, conception/naissance) et sa 2ème venue, son Retour dans la gloire. Mais arrêtons nous un peu sur ce que nous célébrons ce soir : il nous faut épousseter les paillettes très commerciales de cette fête et aussi la symbolique parfois infantile de s’extasier devant l’enfant de la crèche qui servira de modèle à l’enfant-roi de publicités multiples. Il nous faut discerner la portée réelle de cet événement exceptionnel car cet enfant que l’on nomme Emmanuel(Dieu avec nous) et Jésus(Dieu sauve) est -à bien des égards- tout à fait unique, une seule et même Personne .
Cet événement, de fait, est proprement théologique ;reprenons la belle Prière Eucharistique IV qui s’adresse au Père : « Déjà aux origines du monde, Tu as tout créé avec sagesse et par amour, tu as fait l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers…Tu as tellement aimé le monde, Père très saint, que tu nous as envoyé ton propre Fils, lorsque les temps furent accomplis, pour qu’il soit notre sauveur ». Cet événement, l’Incarnation, manifeste donc l’amour infini de Dieu pour son peuple. Il avait déjà envoyé des messagers Abraham, Moise, David, les prophètes mais cette fois, Il envoie(donne) son bien le plus précieux : son Fils unique. Et ainsi, à travers ce Médiateur, il établit un Pont entre la Divinité et l’Humanité, un lien permanent, une Alliance. Et cette naissance est marquée du sceau de la simplicité, de l’humilité qui font partie des attributs mêmes de Dieu.
Alors nous pouvons relire le sens exact, la signification de cette naissance, apparemment ordinaire. Dieu a choisi les chemins de l’Humanité. Il n’a pas usé d’effets spéciaux(Il aurait pu parachuter son Fils à 30 ans, tout accompli, opérationnel). Mais cette naissance contient en germe l’enfance, l’adolescence, la maturité d’homme : Jésus fera l’apprentissage de l’humanité en toutes choses, excepté le péché. Il recevra une éducation de Marie, un métier de Joseph jusqu’à ses 12ans, sa majorité légale où il discute avec les docteurs de la Loi dans le Temple. La Nativité du Seigneur est donc plus qu’une fiche d’état civil à un instant t°. C’est le début d’une grande aventure humaine, d’une belle histoire divine et c’est pourquoi elle est devenue le pivot de l’Histoire de l’Humanité tout court.
Souvenons nous à ce sujet qu’une naissance est d’abord symbole de vie, d’énergie, même si nous savons qu’elle s’achève par la mort après bien des épreuves. Noël nous remet en scène la vie de Jésus et nous ne pouvons que nous réjouir, être dans l’action de grâces pour ce projet du Père, qui éclate à Noël en plénitude, en pleine lumière. En conclusion, nous pouvons écouter Hildegarde de Bingen(12ème siècle) : « C’est l’humilité qui a fait naître de la Vierge le Fils de Dieu, il est né de cette humilié qui s’est manifestée loin des étreintes d’un homme, des séductions de la chair, des richesses terrestres…l’humilité sans cesse gémit, intercède et anéantit tous les crimes…la charité également qui porte le Fils unique au ciel dans le sein du Père. L’humilité est comme l’âme et la charité comme le corps, elles opèrent ensemble ».

 

Messe du Jour :

Jn 1, 1-18

Lire :

Autre variation, autre mélodie musicale, autre climat:nous sommes passés de la nuit au plein midi.
Si l’évangile de la Nuit, avec la naissance de l’Enfant, nous laissait entrevoir le potentiel de son existence à venir, de sa vie, l’évangile d’aujourd’hui nous fait remonter aux origines et élargit singulièrement notre horizon. Certes, nous savons déjà que Jésus est le Fils unique envoyé par le Père, mais Saint Jean nous le désigne ici comme le Verbe Créateur aux origines. Ainsi, cet enfant est déjà présent -quoique mystérieusement- à la Création, et pour cause puisqu’avec le Père et le Saint Esprit, ils forment la Trinité sainte.
Et ce Verbe(logos), il est à la fois la Parole(verbum) et la raison(ratio) d’être de toutes choses:deux termes qui vont s’appliquer pleinement à la personne du Christ. Dans sa méditation du mystère du Christ qui intervient plus tard que les autres évangélistes, St Jean va procéder à une identification audacieuse : le Verbe de Dieu présent aux origines et l’enfant Jésus de la crèche, c’est la même personne. La grotte de Bethléem se voit alors dilatée dans l’espace et le temps. Et St Jean a raison dans son audace : c’est son approche, personnelle, de l’Incarnation et c’est pourquoi la liturgie nous propose -au risque de télescopage- les deux Evangiles pour illustrer Noël.
Par ailleurs, en mettant l’accent sur la parole et la raison d’être, St Jean laisse entrevoir la mission de salut qui sera celle de Jésus car »ses paroles sont esprit et vie…et ne passeront jamais » ; en même temps, elles sont puissance de vie pour guérir, restaurer, réconcilier. Le Verbe est aussi lumière qui vient éclairer tout homme, mais la lumière c’est le 1er élément créé dans la Genèse, premier parce que condition d’apparition de la vie. Mais le monde ne l’a pas reconnu, les siens ne l’ont pas reçu : discrètement s’insinue ici le drame de la Croix -que Jean a vécu en 1ère ligne- car Jésus va donner sa vie pour mieux la communiquer à ceiux qui sont nés de Dieu.
Et le v.14 du Prologue conclut magistralement par cette phrase reprise à chaque Angelus : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous »(planté sa tente). On peut imaginer des versions proches : Et Dieu s’est fait homme(pour que l’homme devienne Dieu)…ou encore la Parole s’est faite Corps, pain(Eucharistie). Et Jean d’ajouter : « Nous avons vu sa gloire, gloire qu’Il tient de son Père comme Fils unique plein de grâce et de vérité ».