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24ème Dimanche du TO - A

Père Charles Bonin

17 Septembre 2017

Mt 18, 21-35

Construire la civilisation de l’Amour,
Développer l’économie du don,
Favoriser la croissance de la miséricorde.

1/ L’impasse d’une société de profit égoïste.
Les requins de la finance internationale ne datent pas d’hier…. L’évangile nous présente un bel exemple de ces relations impitoyables qui, depuis toujours, régissent souvent la vie politique, économique et sociale. Ces rapports de domination et de soumission, de vainqueurs et de vaincus réglés par la loi du plus fort ont une issue mortelle dont aucun protagoniste ne sort gagnant. L’histoire que raconte Jésus n’est pas une love story avec une happy end à l’américaine . A la fin, tout le monde meurt ou finit en prison, y compris le roi qui se retrouve finalement seul, privé de ses serviteurs, enfermé sur lui-même. Voilà la réalité d’un monde sans amour où l’homme est un loup pour l’homme tel que certains philosophes des Lumières l’ont pensé. Est-ce cela que nous voulons ? Est-ce qu’un modèle de société gouverné par le seul profit, la croissance à tout prix y compris au dépens des autres, laissés pour compte, en marge du progrès, nous convient ?

2/ L’alternative d’une économie du don.
Le Christ nous prévient qu’une telle course en avant purement égoïste n’apporte pas le bonheur. Il propose d’y substituer une autre voie, celle de la patience et du pardon qui favorise la croissance d’une charité véritable pour des relations plus humaines. C’est la condition d’un développement intégral qui prend en compte tout l’homme et tous les hommes pour favoriser le plein épanouissement du plus grand nombre. Non pas seulement de quelques uns, non pas seulement l’accumulation des richesses, car cela ne cause qu’isolement et amertume mais une vraie croissance en humanité.

C’est ce que le pape propose dans son encyclique Laudato si sur laquelle les lycéens sont invités à réfléchir lors du forum croq la vie du 21 au 23 octobre prochain. Si les évêques proposent cela aux jeunes c’est parce que vous pouvez changer le monde pour y mettre plus de justice et de solidarité, pour avoir un rapport juste à la terre et ses ressources et que chacun y trouve sa place. Cela vous semble impossible ? Vous vous dites peut-être « qui suis-je en effet pour changer le monde ? » Seul nous ne pouvons certes pas grand-chose, mais ensemble nous pouvons construire un monde meilleur en commençant nous mêmes par changer nos habitudes égoïstes, nos comportements irresponsables, en faisant le choix d’aimer dans chacun de nos gestes quotidiens. C’est l’économie du don à laquelle le Christ nous appelle dans une attitude globale tournée vers les autres plutôt qu’enfermée sur nous-mêmes. Cette révolution culturelle est source d’ouverture et de joie profonde car celui qui donne reçoit toujours d’avantage (joie, paix, amis, opportunités, rencontres, sourire, satisfaction d’avoir fait le bien). En effet, le don appelle le don. C’est la magie de l’Amour, le seul trésor qui ne s’épuise pas mais s’accroit au contraire à mesure qu’on le dissipe. Vous imaginez si l’amour était côté en bourse?

3/ La miséricorde comme fondement et moyen de ce nouveau paradigme.
Le moyen concret d’y parvenir c’est de cultiver en soi-même un coeur miséricordieux qui ne ressasse pas ses rancoeurs, ses amertumes, ses colères, ses blessures ou ses frustrations mais les dépasse toujours par un don plus grand de soi-même. La miséricorde, c’est la monnaie de cette économie du don parce qu’elle génère un cercle de croissance vertueux qui arrête la spirale du mal en le dépassant par un plus grand amour. Nous avons tous plus ou moins subi des injustices, des maladresses, des violences. Il faut les voir et les dénoncer mais ne pas en rester là. Si nous choisissons résolument de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal, on ne reste pas statique tourné vers le passé, paralysé par la peur et enfermé dans sa souffrance mais on va de l’avant dans une dynamique joyeuse et pleine d’espérance. Il faut parfois se faire aider et accompagner car il n’est pas toujours facile de poser cet acte de volonté qui nous permet de sortir de nos ornières pour répondre à notre vocation au bonheur.

4/ Avec la grâce, élargir son coeur à l’infini de la miséricorde de Dieu.
C’est pour cela que le Christ est venu nous sauver de nous-mêmes et pour nous libérer de notre péché. Il nous envoie l’Esprit Saint, pour que nous soyons animés de cette force de la miséricorde et du don qu’aucun mal, aucune blessure n’arrête. Chers jeunes et vous mes soeurs qui avez choisi de donner toute votre vie pour l’Amour du Christ, n’ayez pas peur de pardonner et de demander pardon ne vous laissez pas arrêter dans votre élan par ceux qui vous ont blessé ou déçu, qui vous doivent quelque chose et ne vous le redonnent pas. Ne restreigniez pas le don de vous-même, car c’est à la mesure de ce don que vous recevrez la joie immense, incomparable d’avoir fait du bien autour de vous et d’avoir ainsi contribué au royaume de Dieu sur la terre. C’est le sens de la prière du Pater: pardonnes-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé… Heureusement que Dieu nous pardonne au-delà de nos petits pardons… mais il nous invite ainsi à élargir notre coeur à l’infini de sa miséricorde. Alors comme le dit St François de Salles (?), « puisque la mesure de l’Amour, c’est d’aimer sans mesure », souvenez-vous toujours que la plus perdue de toute vos journées est celle où vous n’aurez rien donné et demandez au Christ la force de persévérer dans cet élan du coeur. Il vient sur cet autel se livrer à nous pour que nous même puissions le donner et nous donner aux autres afin de construire la civilisation de l’Amour. Alors ensemble nous serons ces héros, ces saints dont le monde à tant besoin et notre joie, personne ne nous l’enlèvera.

Amen.