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2ème Dimanche du TO - C

Père Julien Dupont

17 janvier 2016

Jean 2, 1-11

« Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Cette parole de Marie à ceux qui servent ce repas de noces nous la faisons nôtre ce matin. Évidemment, elle est le témoignage de celle qui, véritable disciple, invite à écouter et à mettre en application les Paroles de Jésus. Mais cette phrase est aussi l’empreinte d’un projet de vie authentiquement christique. Un disciple parle et agit dans un seul et même élan, comme Jésus, en s’ajustant à sa volonté. Le Nouveau Testament est parsemé de cet impératif. Je pense ici à l’épître de Saint Jacques : « Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Car écouter la Parole sans la mettre en application, c’est ressembler à un homme qui se regarde dans une glace, et qui, aussitôt après, s’en va en oubliant de quoi il avait l’air. » (Jc 1, 22-24). A vrai dire, nous savons bien qu’il nous est difficile de vivre ainsi. « Ils disent et ne font pas » peut-on déjà lire dans l’Évangile du Christ selon Matthieu (Mt 23, 3). Alors comment vivre en agissant en conformité avec nos paroles, à l’écoute de la Parole ?
Ensemble, contemplons Jésus tout au long de ce récit des noces de Cana, et regardons comment, précisément, il lie actes et paroles dans un même élan.
D’abord, Jésus est celui qui se situe comme un invité aux noces. Il « est avec ». Comme annoncé, il est cet « Emmanuel », « Dieu avec nous » (Mt 1, 23).
Ensuite, Jésus appelle ceux qui servent le repas pour qu’ils prennent part à l’action. Autrement dit, il n’opère pas seul. Dieu nous associe à son oeuvre de salut. Il sollicite l’humanité.
Enfin, Jésus garde un certain silence sur ce qui s’est passé. Il reste discret. Il ne se met pas en lumière, ne cherche pas à communiquer outre mesure. Dans ce récit, il n’y a pas de parole performative (ou « magique » selon l’expression populaire) qui change l’eau en vin. Il n’y a pas non plus de parole pour manifester son identité. Il se dit dans une certaine sobriété.
Chers amis, contempler ainsi Jésus-Christ, c’est admettre qu’il est possible de lier dans un même élan nos actes et nos paroles, de vivre une réelle cohérence. Et le chemin nous est ici tracé : être avec, compter les uns sur les autres, demeurer discret. En ce sens, cette page d’Évangile est un formidable encouragement pour chacun de nous. Avec Jésus-Christ, nous ne sommes plus au temps des purifications, dont les jarres d’eau sont le symbole. Nous sommes invités à la communion, en Christ Jésus dont la mort en Croix se profile avec le vin et le repas. Autrement dit, il s’agit pour chacun de nous de chercher à être en plus grande proximité avec Dieu, et pour ce faire, la route est tracée par Marie : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5).
J’ai bien conscience qu’un tel appel à lier actes et paroles pour vivre d’avantage en communion avec Dieu a un côté trop abstrait. Permettez-moi donc, en cette 102ème journée mondiale du Migrant et du Réfugié, de choisir la délicate question de l’accueil des migrants venus d’Afrique et du Proche Orient pour illustrer mon propos. Rassurez-vous, l’enjeu d’une homélie n’est pas de donner un kit de solutions toutes prêtes, mais bel et bien de raviver et soutenir la présence de Dieu au milieu de nous !
Tous, nous avons entendu l’appel incessant du Christ à accueillir l’étranger (Mt 25, 31-46). Cet appel ne peut évidemment rester sans réponse de notre part. Là est un premier point : ne pas fuir devant nos responsabilités, c’est déjà vouloir lier actes et paroles. Si nous reprenons les critères évangéliques, nous pouvons engager chacune de nos actions comme un « être avec », « discrètement », et « en comptant les uns sur les autres ». Ce dernier point, qui caractérise le lien entre les actes et paroles, n’est d’ailleurs pas anecdotique. Comme nous l’a rappelé l’enseignement de Saint Paul aux Corinthiens : « à chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien de tous » (1 Co 12, 7). Ainsi, nous avons à porter ensemble et individuellement cette responsabilité de l’accueil des migrants, chacun selon son charisme et sa fonction dans le monde et dans l’Église. Mais compter sur l’autre, c’est aussi savoir par avance que les migrants ont quelque chose à nous apporter : nous avons à recevoir d’eux autant que ce que nous pouvons leur donner. C’est alors qu’à sa demande nous répondrons par des paroles et des actes authentiques.
« Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Soeurs et frères, en réentendant Marie interpeller ceux qui servaient ce repas de noce, nous l’entendons murmurer cet appel au creux de nos oreilles. Ne laissons pas cette supplication sans réponse. C’est ainsi que nous goûterons à ce vin délicieux qui coule en abondance. C’est ainsi que nous ferons la joie de notre Dieu (Is 62, 5) et que nous serons toujours plus en communion avec lui. Amen.