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Solennité de la Nativité - Jour - 2015 - C

Frère Hervé Jégou op

25 décembre 2015

Jean 1,1-18

Chères sœurs et frères,
Profitant de la gratuité d’un premier dimanche au Musée du Louvre, je suis allé revoir, il y a quelques temps de cela, quelques trésors que possède cette vénérable institution : le soubassement des murs du château de Philippe le Bel, la Joconde (entourée de japonais), les salles égyptiennes, le nouveau département des arts islamiques et, après être passé devant la Victoire de Samothrace récemment restaurée … les bijoux de la couronne resplendissant de tous leurs feux dans la galerie d’Apollon.
L’entrée étant gratuite la bousculade était encore plus grande que d’habitude. Des hordes de touristes traversaient les salles d’exposition appareils numériques à la main mais ne regardant pas vraiment tous les trésors qui s’offraient à leurs yeux.
Sur le chemin de la sortie j’arrivais à une dernière salle exposant des chefs-d’œuvre de la statuaire grecque ou romaine, je ne sais plus … quand, tout à coup, dans cette salle, mon regard fut attiré par quelque chose qui était encore plus beau que ce que j’avais vu jusque là. Quelque chose, non ! A vrai dire plutôt, quelqu’un. Car là, dans un coin, assise sur une chaise réservée d’ordinaire pour un gardien, une jeune femme était là, immobile, donnant le sein à son enfant. Alors que tout s’agitait autour d’elle cette femme était figée, comme toutes les statues qui l’entouraient, mais figée de manière bien vivante, elle, dans ce si beau geste de maternité : donner de son temps, donner de son corps pour donner la vie à son enfant, dans cette intimité unique d’amour où s’écoule le fleuve de vie.
Combien de visiteurs ont remarqués cette femme ? Très peu sans doute ! Non seulement leurs regards étaient saturés par tant de chefs d’œuvres regardés à la « va vite », mais ils étaient de toute manière incapables de remarquer cette scène dans ce petit coin de cette si grande salle. Et pourtant ! Et pourtant ce jour là, parmi tous les trésors du Louvre, aucun ne pouvait rivaliser avec la beauté maternelle de cette femme avec son enfant.
Une mère qui donne le sein à son enfant. Les bergers ont peut-être été les témoins de cette même scène à Bethléem lorsqu’ils sont allés voir ce nouveau-né annoncé par les anges comme le Messie, le Seigneur. Surtout s’ils sont arrivés à la bonne heure, c’est-à-dire celle du biberon.
Dans ce coin perdu de Bethléem à quelques kilomètres de Jérusalem, au milieu du brouhaha de l’histoire, enveloppé de l’odeur de la paille et des animaux, ils ont découvert dans la pauvreté de la crèche la beauté de cette femme si jeune veillant sur la vie de son enfant premier-né. Même s’ils sont un peu rustres ils savent s’émerveiller du miracle de la vie : ils ont l’habitude de voir les brebis veillant sur leurs agneaux … alors comment ne pas regarder à fortiori et avec tendresse cette femme et son enfant dont la naissance a mis le ciel sens dessus dessous !
Mais ont-ils vraiment compris ce dont ils étaient les témoins, les premiers témoins, eux les pauvres bergers ? Pouvaient-ils comprendre ? Comment reconnaitre, en cette si jeune femme, celle qui a été choisie par Dieu pour porter dans son sein le fils annoncé par l’ange, l’enfant de la Promesse ? Comment reconnaitre en cet enfant si fragile et dans une telle pauvreté celui qui « sera appelé Fils du Très-Haut », l’héritier « du trône de David », celui qui « règnera sur la maison de Jacob pour les siècles » et dont « le règne n’aura pas de fin » ?
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas simplement de dire par là le destin de cet enfant comme on dit autour d’un berceau : « que deviendra cet enfant ? ». Car dans le mystère de cette femme qui donne la vie se révèle un mystère bien plus grand encore : Dieu se fait l’un de nous. Derrière l’image si belle de cette femme qui donne tout son amour pour ce petit homme se cache – et se révèle pour celui qui sait voir – l’amour de Dieu pour l’humanité. Un amour si fort que le Fils éternel du Père se fait aujourd’hui l’un de nous pour nous donner la vie.
Oui, tétant ce sein pour y puiser la vie en même temps que le lait maternel et qui ne sait encore que le langage d’un enfant nouveau-né, voici le Verbe, la Parole de Dieu. Par lui, tout s’est fait. En lui est la vie. Il est la lumière des hommes. Protégé par les bras de cette femme la toute puissance de Dieu en cet enfant a trouvé refuge pour prendre, dans la plus grande pauvreté, le chemin des hommes. Il est venu parmi nous partageant notre humanité excepté la péché, il est venu nous annoncer le Royaume, il est venu nous parler d’amour, il est venu nous faire miséricorde. Il est venu donner sa vie au point de se retrouver un jour sans vie dans les mêmes bras qui l’enveloppent aujourd’hui pour le protéger au pied de la croix. Il est la lumière du monde, cette lumière qui triomphera des ténèbres le matin de Pâques.
Mais pour l’instant nous sommes comme ces pauvres bergers devant cette Vierge à l’Enfant dans la chaleur de la crèche pour contempler l’Emmanuel. Avec eux, avec toute l’Eglise contemplons le mystère de Dieu qui vient à nous.