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Solennité du Christ-Roi 2015 - B

Fr François-Dominique Charles op

22 novembre 2015

Dn 7,13-14 ; Ps 92 ; Ap 1,5-8 ; Jn 18,33b-37

Nous avons entendu le passage de la vision du « fils d’homme », qui est relatée dans le livre de Daniel (première lecture). Jésus lui-même s’y est référé au moment de sa comparution devant le grand prêtre. « Je t’adjure par le Dieu Vivant, lui dit-il, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu ». Chez Matthieu, Jésus répond : « Tu l’as dit ! » (Mt 26,64). Mais chez Marc, il dit : « Je le suis ! » (Mc 14,62). C’est un moment majeur de révélation de l’identité de Jésus dans les évangiles. Juste après cela, il évoque cette vision du prophète Daniel : « Et vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel » (Mt 26,64).
En recourant à ce titre de « fils de l’homme », Jésus exprime l’issue glorieuse de la Passion dans laquelle il entre comme « Serviteur ». Avec sa réponse à la question du Grand Prêtre, sont révélés tous ses titres : il est le Christ, le Fils de Dieu, le Fils de l’homme. Ce dernier titre fait comprendre que lui-même viendra à la fin des jours sur les nuées du ciel. En entrant dans sa Passion et en recourant à la vision de Daniel, Jésus révèle qu’il est « roi » et qu’on ne pourra jamais détruire sa royauté. Il fait comprendre cela, alors même qu’on décide de le mettre à mort. C’est un moment très impressionnant dans les récits de la Passion. Il convient donc de faire un lien étroit entre le drame de la Passion et le titre de « Souverain de l’univers », qui est donné à Jésus dans l’Apocalypse (2e lecture).
Derrière ce titre de « souverain de l’univers », selon la traduction liturgique, il y a le mot grec de « Pantocratôr », titre que nos frères grecs réservent au Christ glorifié. Le mot signifie « Maître de tout », « Tout-Puissant ». Le « Pantocratôr » est abondamment représenté dans les coupoles et au-dessus des portes des églises byzantines ; mais il est aussi sculpté au centre d’une mandorle de gloire, au-dessus des portails de nos belles églises romanes (Autun, Moissac, Vézelay) et gothiques (cathédrale d’Auxerre). C’est un Christ au visage favorable, qui bénit et accueille ceux qui entrent par lui dans l’édifice de pierres où se réunit la communauté des croyants. C’est vrai qu’il n’y a pas de Pantocratôr visible au-dessus de la porte de l’église de Chalais. Mais, avec les yeux de la foi, vous verrez ce Christ-Roi, qui vous accueille et vous bénit.
Avez-vous remarqué que la vision de Daniel est évoquée aussi dans l’Apocalypse (2e lecture) ? On lit en effet : « voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra. » Remarquez que la Passion y est aussi évoquée par une citation du prophète Zacharie : « Ils le verront ceux qui l’ont transpercé ! » (Za 12,10).
Jésus viendra donc à la fin de l’histoire humaine pour juger le monde. En ces temps troublés que nous traversons, se renforce notre désir de le voir venir ! Dans le passage sur le jugement dernier, Matthieu donne à Jésus le titre de « Fils de l’homme » (Mt 25). C’est encore une discrète allusion à la vision de Daniel ! Nous l’attendons parce que nous savons que son jugement sera juste, et qu’il jugera avec miséricorde. Nous ne pouvons pas avoir peur de ce jugement. La royauté du Christ juge sera éternelle parce qu’elle sera une royauté de miséricorde.
Il condamnera le péché en renversant définitivement le pouvoir du mal sur le monde. Il sauvera les pécheurs. Il exercera son droit de grâce, pour nous faire vivre et partager sa gloire divine ! Le Roi sur le trône de la croix n’a-t-il pas demandé au Père de faire grâce à tous les pécheurs ? « Père, pardonne-leur ! » Sa demande ne peut être qu’exaucée.
Le Christ « Pantocratôr » a reçu du Père cette gloire royale ainsi que le pouvoir de juger avec miséricorde ; c’est ce que rappellent les lectures de ce jour. Dans Le porche du mystère de la deuxième vertu, Péguy fait dire au Père, au moment de la Croix, quand « tout est consommé » : « mon Fils m’a lié les bras. Pour éternellement liant les bras de ma justice, Pour éternellement déliant les bras de ma miséricorde. Et contre ma justice inventant une justice même. Une justice d’amour. Une justice d’espérance. »
C’est en raison de son immense amour, qu’il est « le témoin fidèle », « le premier-né des morts » ; il « nous aime et nous a délivrés de nos péchés par son sang » : ces expressions de l’Apocalypse évoquent la passion et la mort de celui qui est « souverain des rois de la terre » parce que le Père l’a ressuscité. S’il peut nous juger, c’est parce qu’il est Dieu et surtout parce qu’il est « fils de l’homme », véritablement homme, et qu’il nous a aimés en donnant sa vie pour nous.
Notre juge est donc à la fois « Fils de Dieu » et « Fils de l’homme » ; comme homme, il a reçu la dignité royale de la main du Père, après avoir tout donné de lui-même pour nous sauver tous de la mort et du péché. Alors que les islamistes fous décident de mourir pour détruire et tuer, Jésus a décidé de donner sa vie pour nous faire vivre !
Il est donc « roi », mais pas à la manière des hommes. Il l’a dit deux fois à Pilate : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ! » « Elle ne vient pas d’ici ! » À sa manière, Pilate a reconnu la royauté de Jésus : « Donc tu es roi ! ». Oui, Jésus est roi ! Si Pilate pense aux rois de la terre et peut-être à César, il lui manque la foi pour comprendre les paroles de Jésus. Nous aurions pu lui répondre que seul Jésus est vraiment roi. Comment Pilate pouvait-il comprendre que la royauté de Jésus se manifestera dans sa passion et sur la croix ? Sans le savoir, le Procurateur a pourtant proclamé la véritable identité de Jésus, en faisant écrire sur la croix : « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. »
Tournons nos yeux vers le « Pantocratôr » qui trône sur la croix, « le bienheureux et unique Souverain, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (1 Tm 6,15). Avec le larron, disons-lui notre espérance d’être accueillis dans sa gloire. Le Christ crucifié est Roi de l’univers par sa victoire sur la mort. Ce Roi de Gloire s’est abaissé jusqu’à nous afin de nous faire entrer avec lui dans son royaume. « Nous attendons sa venue dans la gloire » : « à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen ! »