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2ème Dimanche TO - B

Père Jean Peycelon

18 janvier 2015

Jean 1, 35-42

Si nous sommes là ce matin (malgré la neige !), c’est, je peux le dire sans grand risque de me tromper, parce que le Seigneur s’est invité dans notre vie et que nous l’avons laissé prendre place chez nous. Où cela s’est-il passé, quand, comment ? C’est le secret de chacun, le mystère des commencements d’une relation d’amour. Dans ce domaine il n’y a pas d’automatisme ni de trucs efficaces pour provoquer une rencontre. Dans la même famille, dans la même communauté, les itinéraires sont différents et parfois incompréhensibles. « Nous sommes des parents chrétiens et tous nos enfants se sont en quelque sorte débarrassé de la foi chrétienne. Pourquoi ? » Pourquoi tel chemin vers un ministère ou vers la vie religieuse et pourquoi pas tel autre ? Les routes de chacun restent et resteront toujours le secret de Dieu s’adressant à une liberté humaine, en son temps et à sa manière. La seule chose absolument certaine c’est que Dieu, par son Esprit, se donne à chaque être humain sans aucune exclusion.
Les récits de ces rencontres premières, de ce que nous appelons des « vocations » sont nombreux dans la Bible. En voici deux aujourd’hui.
D’abord une très vieille histoire, celle d’un jeune garçon, Samuel, appelé à devenir prophète en Israël. Le texte attire notre attention sur la difficulté à discerner qui nous appelle en réalité. Est-ce un être humain, en l’occurrence le prêtre du temple où vit Samuel, ou Dieu lui-même ? Cela suggère qu’il faut parfois beaucoup de temps pour repérer quelle est vraiment l’attente du Seigneur à notre égard, quel est le lieu, quel est l’état de vie, où nous pourrons le rencontrer en vérité, tel qu’il est, et nous ouvrir à lui. « Parle Seigneur ton serviteur écoute » est une parole à répéter sans cesse.
Dans l’évangile de Jean la rencontre de Jésus et de ses premiers disciples se passe, semble-t-il, tout à fait naturellement. Il y a la médiation de Jean-Baptiste qui invite deux de ses propres disciples – et il avait beaucoup de disciples, nous disent les historiens !- à faire la connaissance de Jésus. Jean-Baptiste leur désigne Jésus comme « l’Agneau de Dieu ». Il évoque ainsi la mission du Messie comme serviteur de Dieu, une mission qui conduira Jésus à risquer et donner sa vie, ce qui est évoqué par la figure de l’agneau sacrifié au moment de la fête de la Pâque. La rencontre avec Jésus est toute simple mais chaque mot porte : « Que cherchez-vous ? » Pas de rencontre possible avec le Seigneur si nous ne sommes pas habités, même obscurément, d’un désir de le trouver. Ce désir est désir de connaissance intime : « Où demeures-tu ? » Il ne s’agit pas là de curiosité ni d’une recherche simplement intellectuelle mais de l’attente d’une relation vraiment personnelle et donc durable : « Ils restèrent auprès de lui ce jour-là ». La notation de l’heure (la 10e) est elle-même significative. Le moment où quelqu’un prend conscience de la présence du Christ dans sa vie s’inscrit dans la mémoire comme un point de repère pour la suite.
À partir de là les rencontres vont s’engendrer les unes les autres. André ira chercher son frère Simon. Puis ce sera le tour de Philippe et de Nathanaël et ainsi de suite. Il en est de même pour nous. Qui concrètement nous a donné le goût de rencontrer le Christ ? Qui nous a mis sur son chemin ? L’expérience montre que les parents à eux seuls n’y suffisent pas et il faut que d’autres disciples de Jésus fassent signe et appellent au temps et à l’heure favorable.
Notons enfin que la rencontre avec Jésus est une rencontre transformante. En témoigne sa parole à Simon qui s’appellera dorénavant Kèphas, c’est-à-dire Pierre. Changer de nom, recevoir un nom nouveau, n’est pas une petite affaire. Il s’agit de changer de vie, de l’orienter différemment, de faire de sa vie une mission reçue. Et nul d’entre nous ne peut prévoir à quels retournements, à quelles conversions, à quels engagements le conduira la rencontre du Seigneur.
Ce qui s’est passé il y a très longtemps pour le jeune Samuel, ce qui s’est passé pour les premiers disciples de Jésus, c’est ce qui se passe pour chacun de nous quand, en toute liberté, nous nous laissons séduire par Jésus. À partir de ce moment une seule attitude possible : l’écouter Lui de telle façon que malgré les bruits parasites extérieurs ou intérieurs, nous restions fidèles à la direction indiquée par le désir d’amour que l’Esprit creuse en nous.