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Noël (nuit) 2013

Frère Pascal Marin op

25 décembre 2013

Nuit de Noël : Luc 2, 15-20

Pour beaucoup de nos contemporains
et pour nous aussiqui appartenons à ce monde,
Noël, c’est la famille, les lumières, les cadeaux,
la chaleur du foyer, un repas de fête.
Mais pourquoi Noël pour nous ce soir,
est-ce que c’est aussi, et d’abord et peut-être même surtout
se rassembler dans la nuit à l’église ?
Autour de quelques bougies,
à l’écoute de quelques vieux textes,
en chantant, comme on peut, des chants d’autrefois ?
Et qu’est-ce qui fait que partout dans le monde
en cette nuit des gens tiennent
à vivre cette drôle de fête,
sans paillettes, sans champagne, sans cadeaux ?
A tel point que pour eux, sans elle,
Noël ne serait pas Noël ?
Il n’est sans doute pas facile de répondre
à une telle question,
de donner des raisons
pour une conviction qui peut être fragile,
de mettre des mots,
sur un sentiment qui lutte en nous pour exister.
Mais les paroles de la sainte Écriture,
que nous venons d’entendre,
nous viennent ici en aide.
Elles nous disent en quel sens
le sentiment
et les mots qui vont avec
doivent se fortifier,
s’affermir en nous.
Et cela tient en un petit mot tout simple,
un mot qui exprime un sentiment si simple
qu’il est celui de la vie même.
Ce mot, c’est “la joie”.
“Tu as prodigué l’allégresse,
tu as fait grandir la joie”,
dit Isaïe.
Et c’est encore cette joie pure,
celle qui peut être plus forte
que la peur en nous,
que l’ange vient annoncer aux bergers.
Le mystère de Noël,
c’est le mystère de la joie.
Et la nuit de Noël
nous replonge dans ce mystère.
pour que nous vivions en lui.
Mais l’évangile de la nativité
que nous venons de lire
en saint Luc,
ne fait pas qu’affirmer la joie,
au risque de nous culpabiliser,
si pour diverses raisons,
ce soir,
c’est la tristesse
la colère ou l’ennui
ou tout autre sentiment
différent de la joie,
qui domine en nous.
Non l’évangile ne fait pas qu’affirmer la joie
il indique plutôt un chemin vers la joie,
si nous l’avons perdu.
Car oui, bien sûr, il y a bien des raisons et occasions
d’en perdre le fil, le sens, le goût,
par tout ce qui rend la vie pesante,
et vient tuer à petit feu, jour après jour, la joie.
L’évangile nous ouvre un chemin vers la joie
quand il nous dit, où elle réside.
Son lieu, c’est un enfant,
un petit d’homme
dont l’existence est réduite au plus simple de l’humain.
Et un enfant pauvre.
Non pas qu’il serait dans la misère cet enfant là,
l’évangile ne le dit pas.
Mais il est pauvre au sens,
où notre frère Gustavo Gutierrez
peut définir qu’être pauvre,
c’est ne pas compter pour une société,
y être en quelque sorte “insignifiant”.
Cet enfant là, il est bien sûr
très riche de signification
pour ses parents,
mais lui comme eux sont insignifiants
pour le monde, où il naît.
Pour l’empereur Auguste,
pour Quirinius, gouverneur de Syrie,
et même pour les gens de la salle commune,
qui n’ont pas su se serrer un peu
pour leur faire une petite place.
Le lieu où réside la joie,
c’est sous le voile de l’insignifiance,
de l’incognito social, médiatique,
la plus simple humanité, en nous et dans les autres.
Ce trésor que le moins considéré des hommes
porte en lui, comme dans un vase d’argile,
pour reprendre les mots de saint Paul.
La joie ne réside pas dans le monde,
mais elle peut y faire signe.
Et l’évangile nous ouvre encore un chemin vers la joie
quand il nous indique,
à quel signe la joie se signifie dans le monde.
A ces bergers,
qui les premiers vont reconnaître l’enfant-Dieu,
l’ange du Seigneur a dit :
“voilà le signe qui vous est donné,
vous trouverez un nouveau-né dans une mangeoire.”
Signe étrange,
puisqu’il s’agit d’un Dieu.
Signe d’abaissement ? sans doute
mais d’abord signe,
qui peut parler à un berger.
Dieu se rend présent
là où ces bergers amènent leurs bêtes.
Il se met au niveau de ceux qu’il vient rencontrer,
et même un peu plus bas,
pour faciliter la rencontre,
comme on fait pour signifier à quelqu’un
qu’on n’est pas au-dessus de lui,
qu’on est comme lui,
un proche, un frère.
Le signe de la joie,
c’est la fraternité.
Il n’y a sans doute pas d’autre chemin pour nous
vers la joie véridique,
que cette fraternité, qui nous fait estimer tous ceux que nous croisons à l’égal de nous
et même toujours un peu meilleur que nous-mêmes.
L’évangile enfin nous ouvre un chemin vers la joie
quand il nous dit,
la manière dont parle la joie.
La joie ne revendique pas,
ne proteste pas.
La joie n’est pas ingrate,
elle sait d’où elle vient.
Elle connaît sa source,
elle la reconnaît.
Elle dit, elle chante :
“Gloire à Dieu au plus haut des cieux”
Et la joie sait aussi que seul
le partage des dons de la Source,
répand à profusion
un bien plus grand
que tout ce qu’un homme
peut espérer recevoir de bon en ce monde.
Cette paix profonde, que Dieu donne à ceux qu’Il aime :
“et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime”.
Amen.