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A comprendre ... à la cuisine ou au jardin.

Fr Philippe Dockwiller op

27 octobre 2009
Habitués aux comparaisons que Jésus emploie, nous ne sommes plus étonnés d’entendre que le Règne de Dieu est illustré par la croissance d’un grain de moutarde ou l’effet du levain dans la pâte.
“A quoi vais-je comparer le Règne de Dieu ?”, la question revient pourtant dans l’évangile de ce jour. Elle nous paraît une répétition… sauf à imaginer que les auditeurs de Jésus, désireux de voir le Règne de Dieu traduit dans leur quotidien en termes de libération politique, s’étonnent eux d’entendre le Règne comparé à du presque invisible, ce qui disparaît dans la terre, ou dans la pâte. C’est un peu inattendu. Jésus doit y insister. Comme s’il nous disait : “Le Règne, vous le comprendrez dans vos jardins, et à la cuisine” !?
Saint Paul nous parle d’une disproportion incommensurable entre les souffrances de ce temps et la gloire qui doit se manifester. Quel est le poids de cette gloire ? Est-ce comme ce que Jésus dit du Royaume de Dieu ? Pour saisir qu’il en va bien de la gloire immense comme du grain de moutarde, je vous propose de songer à nos morts dont nous allons bientôt dans l’Église célébrer la commémoraison.
Les morts que je porte sont une blessure invisible et ce qui est blessé en moi, en eux, est bien la relation, comme mutilée. Dans une étrange fidélité, je continue d’être avec eux. Ces choses si déterminantes pour une existence humaine, et qui sont source de souffrance, qui les voit, qui en tient compte, qui s’en soucie ? Et pourtant, je continue à vivre avec ces invisibles, et de leur être présent.
Être tenu dans ce lien avec eux me pousse d’ailleurs à vivre un mystère du Règne, caché et abondant : invisibles puisqu’il sont morts, en repos au creux de la terre, ils me poussent à vivre plus intensément, et pour eux. Cette surabondance de vie liée à la souffrance des relations endeuillées nous permet de saisir où est la gloire que Dieu promet. Ce ne sont pas des arbres de potager mais de vrais séquoias que notre fidélité sème dans les cieux, et les anges regardent avec envie cet art des liens en lequel Dieu nous initie.
Ce n’est pas seulement le pain levé dans les larmes que nous préparons, mais un festin que des convives partageront dans la joie. La joie d’avoir vécu les liens, les alliances, les relations que rien ne peut terminer, pas même la mort. La souffrance qui persiste est le signe bien tangible de notre amour. Et souvent l’une et l’autre sont cachés. Mais quelle force !