LETTRE aux AMIS de CHALAIS N°9

EDITO de la nouvelle Prieure !
Chers amis,
vous allez trouver dans cette news quelques nouvelles de la communauté et quelques réflexions portées par des sœurs : deux manières de vous donner un écho de ce que nous vivons .
Le quotidien de la communauté, ce sont certes les événements mais par eux, à travers eux, l’attention portée à notre monde, où chacune guette le chemin de Dieu.
Vous le constaterez dans ces textes : les sœurs sont bien ancrées dans leur lieu, son paysage (montagne et humus) son église (pierres et histoire) et, simultanément, elles gardent les yeux ouverts sur l’actualité du monde, ses tensions et ses crises. Ces deux mouvements, singulier et universel, convergent irrésistiblement vers la prière, la contemplation du Christ dont « les paroles ne peuvent être conditionnées par les aléas de l’histoire » (sr Pascale Dominique) et qui « assument le gémissement de la création et le nôtre » (sr Françoise)
Dans les nouvelles, il y a bien sûr l’élection de la nouvelle prieure, le 15 mars, et les changements d’emploi qui s’ensuivent ! Vous pourrez admirer, dans vos prochaines relations avec la communauté, la souplesse et la disponibilité des sœurs qui sont toutes concernées par cette réorganisation.
Nous avons eu la chance en ce temps de carême de recevoir la pièce Akédia d’Adrien Candiard mise en scène par Francesco Agnello. C’est le combat bien singulier d’un moine du désert avec le diable qui a « le pouvoir de semer l’angoisse et le désespoir » comme l’écrit sr Pascale-Dominique. Combat d’un seul, combat de chacun où la présence enveloppante du Malin épuise le moine par ses « à quoi bon ? » « Cela aurait pu être tellement mieux si… » jusqu’à suggérer « tu t’es trompé » et finalement « tu as été trompé » lançant le sempiternel soupçon sur Dieu. Le diable ment au plus proche de la vérité, il pose les vraies questions et induit les réponses trompeuses. Il occupe toute la scène laissant si peu d’espace au moine et à ses « tais-toi » dérisoires.
Combat d’un seul jusqu’à en être terrassé, combat de l’humanité de tout temps.
Puissions-nous trouver cette brèche, cette soif de Dieu, qui ouvre à l’espérance et à la jubilation… et met le diable, et ces funestes suggestions, en fuite !
Nous entrons dans la Semaine Sainte. Le Christ sur la croix a exprimé cette soif au moment où l’histoire semblait achevée… Nous croyons qu’elle ne l’était pas mais qu’au contraire la voie s’ouvrait pour le salut que nous espérons, le salut pour tous donné dans le Fils unique.
Belle et sainte fête de Pâques.
sr Pascale op
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SOMMAIRE :
- Nouvelles de la communauté
- “Petites réflexions pour écouter le cri de la terre” sr Françoise op
- “Anniversaire de la dédicace de l’église Notre Dame de Chalais” sr Agnès op
- “Heureux les artisans de paix” sr Pascale-Dominique op
- Bloc-notes
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NOUVELLES de la COMMUNAUTÉ :
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PETITES RÉFLEXIONS pour ÉCOUTER le CRI de la TERRE
sr Françoise op
“Toute chose autour de nous mendie notre attention, de l’oiseau au coucher de soleil. Et l’attention que nous leur prêtons est un acte de responsabilité : si je n’y suis pas attentif, la chose n’existe pas pour moi, elle risque de ne plus exister du tout !” Martin Steffens
Sur la terrasse de la Maison Lacordaire, le paysage qui s’ouvre devant nous est une invitation à découvrir dans le réel de ce lieu la juste place de la création dans notre vie humaine, à laisser celle-ci nous interroger, nous déplacer dans notre représentation du monde, à percevoir ce cri de la terre dont parle l’encyclique Laudato Si.
Commençons par recevoir le poids géologique de ce paysage, du massif du Vercors qui nous fait face. Ces roches calcaires alternant avec des marnes se sont formées au fond des mers par l’accumulation de sédiments, il y a 200 millions d’années. Lors de la formation des Alpes, il y a 23 millions d’années, elles ont été soulevées, plissées et fracturées sous la force tectonique des plaques. L’érosion a ensuite fait son œuvre, notamment lors des glaciations (de -2 millions d’années à 10 000 ans). Un temps si long pour former la beauté et la variété de ces lieux…
La vallée de l’Isère qui s’étend sous nos yeux entre Voreppe et Grenoble, belle vallée glaciaire en U, a aussi été formée lors de ces glaciations. Imaginons un glacier immense qui s’étalait sous le petit replat où des moines construiront le Monastère de Chalais en 1101. Des moraines, bien arrondies par le passage du glacier, ont formé cette belle croupe où les prairies se déploient. Nous trouvons de nombreux témoins de ces moraines dans le sentier qui descend vers le Chevalon : des pierres bien étrangères à notre calcaire local, venues des hautes montagnes, roulées et brisées par le glacier
De quoi s’interroger sur notre temps humain, où tout s’accélère, et le temps long, très long, de la formation de notre terre. Ce paysage a une histoire longue et complexe. L’environnement qui nous entoure a évolué sans cesse, il n’est pas stable, ce n’est pas un cadre inerte, un fond d’écran. On ne peut pas non plus revenir à un temps idéal, à un état originel qui en fait n’existe pas.
Ce paysage peut aussi être considéré d’une autre façon : regardez cette mince peau que constitue le sol (quelques mètres sur le socle géologique) et la végétation qui s’y développe. Cette peau est le fruit de l’action continue des vivants de tous ordres : animaux, champignons, bactéries, plantes… Avec l’air que nous respirons, cela constitue une fine pellicule de quelques km d’épaisseur (que Bruno Latour, philosophe et penseur de l’écologie, appelle la “zone critique”) : c’est si peu par rapport à la taille de la terre ! Mais cette couche est nécessaire à notre vie, à nous humains. Et nous découvrons qu’elle est fragile, blessée, irritable… C’est cet écheveau de relations entre tous les vivants, humains et non-humains, qui nous permet de vivre dans une interdépendance pour l’eau, l’air, notre nourriture…et nous avons encore tant à découvrir dans ce domaine. Nous ne pouvons vivre hors sol, la terre est notre lieu vital.
Comment la terre nous parle-t-elle ? Le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité, les terres qui se stérilisent, la pollution, les arbres qui dépérissent lors de canicules… sont des indicateurs de ce cri de la terre. Oui, quand je vois les arbres (cela arrive même à Chalais !), dont les feuilles se dessèchent sous la canicule, ce gâchis me désole profondément, je sens la nature “souffrir”.
Je m’interroge souvent sur le type de lien que nous avons avec ces autres vivants : le plus souvent nous leur collons nos propres sentiments d’humain… Comment reconnaître la valeur propre des autres êtres vivants, leur altérité, leur mode d’être, qui ne sont pas les nôtres ? En même temps il existe une certaine proximité bien difficile à définir, une connivence en quelque sorte, entre vivants, une communion qui nous pousse au respect.
Il se dégage souvent une énergie, une “joie” qui sourd de la création, quand elle va “bien”. J’aime profiter d’un petit moment libre pour fermer les yeux 5 mn et écouter le chant des oiseaux, admirer une fleur, un insecte qui se promène, la luxuriance des prairies de printemps, la force de la plante qui pousse presque à vue d’œil. Et même en hiver, on peut goûter cette nature en dormance, en attente. Entendre chaque créature chanter l’hymne de son existence, nous introduit joyeusement dans l’amour de Dieu et l’espérance. C’est ce dont nous parlent les psaumes :
Ps 64, 13-14 : “Au désert, les pâturages ruissellent, les collines débordent d’allégresse. Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé. Tout exulte et chante !“
Ps 97, 7-8 “Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ; que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie.“
On peut parler de joie car ce lien d’attention vital passe par la gratitude et la louange. C’est dans cette attitude que l’homme “effectue de façon consciente cet acte fondamental du recevoir qui est commun à toute créature, l’acte de la réceptivité, et il donne ainsi – comme représentant de toute la terre – une réponse appropriée à l’activité créatrice de Dieu”.
Médard Kelh dans “Et Dieu vit que cela était bon”
Alors nos relations à Dieu, aux autres humains, aux autres vivants et à soi-même, trouvent leur juste place car “Dieu se rend présent dans sa création, sans jamais se confondre avec elle. Mais si Dieu est vraiment immanent au monde, on cesse d’avoir deux binômes séparables : Dieu et la nature d’une part, et l’homme et la nature d’autre part, pour entrer dans une relation triphasée. (…) La rencontre de l’homme et de Dieu s’effectue par le truchement du monde, lieu de vérification et d’authentification de notre relation à Dieu. Une telle vision des choses transforme radicalement notre rapport à la nature qui n’est pas sacrée en elle-même, mais qui peut être consacrée et devenir l’interface entre Dieu et l’homme.”
Jacques Trublet “Peut-on parler de nature dans l’Ancien Testament ?” RSR tome 98.
Le Christ, par son incarnation, s’est lié à notre humanité, s’est inséré dans le cosmos. Lors de sa passion, il a aussi gémi et a assumé le gémissement de la création et le nôtre. Par sa résurrection, il conduit indissociablement la création et les humains à leur achèvement, à leur glorification. Le gémissement de la création (cf Rm 8, 18-22) est un évangile : à la fois une heureuse annonce de cette espérance partagée et aussi un appel à la conversion.
(cf. Emmanuel Durand “L’espérance” p.62ss chap 4. écouter autrement la plainte de la terre)
Sœur Françoise op
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22 Mars 2025 : ANNIVERSAIRE de la DÉDICACE de l’ÉGLISE de NOTRE-DAME de CHALAIS
sr Agnès op
Le 22 mars 1101 avait lieu la consécration de ce sanctuaire de pierres, bâti au pied des falaises de la Chartreuse par les moines chalaisiens, avec tant d’harmonie et de sobriété.
L’ensemble de l’architecture, avec ses voûtes en berceaux brisés et sa clé de voûte polychrome sculptée dans la pierre de molasse, converge vers l’Agneau pascal. A la croisée du transept, notre regard s’élève doucement vers l’Agneau vainqueur, debout, portant la croix. Il est entouré des quatre vivants décrits au chapitre 4 du livre de l’Apocalypse. Jour et nuit, ils ne cessent de dire : Saint ! Saint ! Saint , le Seigneur Dieu, le Souverain de l’univers, celui qui était, qui est et qui vient » (Apo 4, 8). Comme l’Agneau pascal est la clé de lecture du dernier livre de la Bible(1), il est l’élément central de l’église. Dans cette maison de Dieu, on est invité à croire à la victoire finale de l’amour sur le mal et la mort, déjà remportée par le Christ mort et ressuscité.
Depuis plus de neuf siècles, des frères et des sœurs ont offert leur vie au Dieu créateur dans la liberté de l’amour, ont contemplé le Verbe de vie d’un seul coeur et l’ont loué d’une seule voix. Notre communion est fondée et affermie par l’unique Esprit, en ayant part à un seul pain offert sur cet autel chaque jour (2).
Aujourd’hui encore, dans une gratitude renouvelée, nous célébrons chaque année le 22 mars l’anniversaire de la dédicace de notre petite église Notre Dame de Chalais. Son véritable architecte est le Christ Jésus, autant qu’il en est la pierre de fondation et la clé de voûte, tout à la fois.
A la suite de la longue chaîne de priants et de priantes, puisse notre communauté faire résonner sous ces solides voûtes sa louange et sa supplication dans la patience de la foi, unie à la prière de toute l’Église, et offrir un signe d’espérance pour notre monde si vulnérable. Invoquons la grâce de la paix du Seigneur pour ceux et celles qui passent la porte de cette église, visiteurs et pèlerins d’un moment, d’un jour ou plus !
Sr Agnès op
(1) Pour en savoir plus, lire l’ouvrage du frère Jean-Michel POFFET, “Eclats d’espérance”, L’Apocalypse, Cerf 2024. « Une lecture qui relève plus de la lectio divina que du commentaire scientifique » selon la présentation qu’en fait l’auteur lui-même.
(2) Cf. Livre des Constitutions des Moniales dominicaines LCM 3
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HEUREUX les ARTISANS de PAIX
Sr Pascale-Dominique op
A partir de la fin de 1811 commencèrent l’armement intensif et la concentration des forces de l’Europe occidentale et en 1812 ces forces – des millions d’hommes – (…) se mirent en marche d’Occident en Orient, en direction des frontières russes vers lesquelles, depuis 1811, les forces russes marchaient exactement de même. Le 12 juin, les forces de l’Europe occidentale franchirent les frontières russes et la guerre commença c’est à dire que s’accomplit un événement contraire à la raison et à toute la nature humaine (Léon Tolstoï. “Guerre et Paix”).
La guerre, c’est la mort des hommes, ce sont des handicapés à vie, ce sont des familles déchirées, des caches précaires, des caves humides et noires. C’est la faim, la soif, la maladie, la peur. La guerre est inhumaine, comment serait-elle chrétienne ? On a cru, hélas, qu’elle pouvait l’être, au temps des croisades ou des guerres de religion. Nous n’avons plus d’excuse.
D’aucuns sont tentés par le pacifisme. Ils n’en ont pas pour autant les mains propres. Au nom de cet idéal, quel recours reste-t-il pour une foule de civils, jeunes et vieux, hommes, femmes et enfants ?
La guerre, c’est aussi la fascination du pouvoir, l’écrasement des pauvres par les puissants qui prétendent étendre leur empire sur le monde. Les lecteurs d’Harry Potter peuvent reconnaître “Voldemort”, “celui-dont-on-ne doit-pas-prononcer-le-nom”. Une autre figure maléfique est celle de “Sauron”, l’âme damnée du conte philosophique de Tolkien, “Le Seigneur des Anneaux”. Si ces prétendus maîtres du monde ne sont que des colosses aux pieds d’argile, ils ont le pouvoir de semer l’angoisse et le désespoir là où ils passent, jusqu’à leur chute. Comment ne pas penser à la seconde guerre mondiale, à la shoah, un enfer sur la terre ? Comment ne pas souffrir des violences actuelles, d’où qu’elles viennent ?
Pour trouver la paix, ne faut-il pas parfois s’armer pour la guerre, cette guerre haïe et redoutée?
Si vis pacem para bellum (si tu veux la paix, prépare la guerre)
Si réaliste soit-elle, cette maxime ne dit pas tout : il est des gestes “désarmants”, signes d’une liberté souveraine. Citons, en guise d’exemple, l’humble audace de cette religieuse birmane que l’on a pu voir à genoux, bras ouverts, s’interposer entre l’armée et des civils manifestant pacifiquement. La photo a fait le tour du monde, d’autant plus marquante que l’on y voit aussi des soldats en armes s’agenouiller à leur tour, saisis par le courage de cette femme capable de risquer sa propre vie pour sauver celle des autres.
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Les paroles d’Albert Camus, ce grand humaniste des temps modernes, donnent à réfléchir et à méditer : « La paix est le seul combat qui mérite d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. ». Il faut garder précieusement cette aspiration sous peine de perdre son âme mais la réalité, sans lui donner tort, la contrarie trop souvent.
Heureux les artisans de paix.
Cette Béatitude, bonheur paradoxal, est-elle vivable en temps de guerre ? Il faut avoir le courage de répondre oui et de tenter de la mettre en oeuvre, en dépit de tout car les paroles du Christ ne peuvent être conditionnées par les aléas de l’histoire : elles sont pour tous les temps. Tout comme le Verbe s’est fait chair, elles s’inscrivent dans les profondeurs humaines pour que la vie l’emporte sur la mort et l’amour sur la haine. Prions le Dieu de toute grâce pour qu’il en soit ainsi.
Sr Pascale Dominique, op
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BLOC-NOTES
Jours Saints à Chalais (suivre le lien)
Samedi 10 Mai : Journée de travail en extérieur avec les Amis de Chalais, à partir de 9h
Dimanche 18 Mai à 14h15 : Conférence par Marion Muller-Colard (écrivaine et théologienne protestante) :
“Croire, qu’est-ce que ça change ?“
Samedi 12 Juillet à 16h : Concert “Voix Dominicaines“
Vendredi 8 Août : Solennité de Saint Dominique, Eucharistie à 11h30
Vendredi 15 Août : Solennité de l’Assomption de Marie, Eucharistie à 11h30 et Procession à 17h
Dimanche 12 Octobre :
à 9h45 : Assemblée Générale de l’association des amis de Chalais
à 14h15 : Conférence par Anne-Marie Pelletier
Dimanche 23 Novembre à 10 h : Partage d’Évangile
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Prochaines Fermetures de l’accueil :
– du 10 au 22 juin compris
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– 1er au 7 décembre compris