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32ème Dimanche du To C

Père Michel Mounier

Lc 20, 27.34-38

Nous pouvons être légitimement surpris par les lectures d’aujourd’hui. D’abord le livre des Martyrs d’Israël. Mais est-ce autre chose, et à petite échelle que ce que nous avons connu au XXe siècle. Et encore cette semaine en Somalie, au Tigré, en Haïti, en Ukraine. Oui, le mal fait partie de notre humanité. L’ignorer, c’est lui laisser libre cours. La Bible ne l’ignore pas : il est omniprésent depuis le meurtre de Caïn au tout début.
Voici l’Évangile qui nous plonge dans une autre culture, antique, celle du clan familial, du groupe, de la tribu. Culture patriarcale, même si le patriarcat hélas a de beaux restes.
Voici les Sadducéens. Contrairement aux pharisiens, ils ne croient pas à cette innovation qu’est la foi en la résurrection. Ils sont par contre farouchement attachés aux lois anciennes, dont celle du lévirat.
Mais avec Jésus, ils refusent le débat frontal sur la résurrection, et donc la mort, pour le questionner sur le lévirat avec cet étrange cas de figure : des 7 frères morts sans descendance, de qui la femme sera-t-elle donc l’épouse ?
Avec cet exemple, ils montrent qu’ils veulent gérer la mort avec les moyens de la vie, de la génération, de la filiation. Alors que Jésus répond qu’il faut gérer la vie seule puisque la mort est vaincue. Depuis quelque temps un ami marqué par l’âge et la maladie demande souvent : comment se préparer à l’après ? Que lui répondre d’autre que : en vivant ce que tu as à vivre.
De qui sera-t-elle l’épouse ? Il n’est pas question de lui demander son avis. Mais voici donc que tout le monde meurt sans descendance. À la fin, après 7 unions, c’est donc la mort qui gagne. En voulant gérer la mort avec les moyens de la vie, c’est la mort qui gagne. Vouloir résoudre la question de la mort, c’est lui laisser le dernier mot.
A cette logique de génération selon la famille, le clan, Jésus oppose une logique de filiation divine qui ne connaît qu’une loi, celle de la résurrection. Une loi qui fait de chacune et de chacun, des filles ou des fils de Dieu. Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Non pas des ancêtres, mais des vivants. Et quels vivants : Isaac né d’Abraham et de Sara qui ne pouvait pas avoir d’enfant, Jacob né d’Isaac et de Rebecca qui elle non plus ne pouvait pas enfanter.
C’est Dieu et personne d’autre qui leur donne naissance. Et c’est cette filiation divine qui porte la promesse de l’avenir et non la loi du lévirat.
Dieu n’est pas le Dieu d’une lignée, d’un peuple, d’une église. Il est totalement Dieu pour chacune et chacun. Nous ne sommes plus héritiers de nos pères, mais héritiers de la résurrection, de la vie de Dieu.
Comment vivre ? Si nous sommes habités par la question de la mort, nous sommes déjà morts.
Mais si nous vivons du monde à venir, nous ne nous posons pas des questions qui n’existent pas.
Ils ne peuvent plus mourir, nous dit l’Évangile. La mort n’a plus d’emprise.
Si nous vivons en ressuscités, nous ne parlons plus de ce qui arrive après la mort mais de la situation nouvelle dans laquelle la mort n’a plus aucun pouvoir et qui est déjà là.
La résurrection n’est pas la suite du temps puisque le temps d’aujourd’hui est déjà ressuscité. C’est le mystère de Pâque, c’est ce que Jésus disait aux sadducéens.
Dieu, tu es le Dieu vivant.
Le Dieu du craquèlement de la terre sous la pousse végétale du printemps.
Tu es le Dieu du mouvement infini.
Tu es le Dieu de la vie.
Le Dieu du pain aux affamés, le Dieu du puits dans le désert.
Tu es le Dieu infiniment semeur.
Tu réanimes les coins morts de nos âmes.
Tu relèves nos ossements desséchés.
Dans l’étreinte de ta promesse, la mort s’aplatit comme une ombre.
Tu es le Dieu qui rend infiniment vivant.
Tu es le Dieu qui nous dit : « Choisis la vie. »