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Le visage d’éternité

8 août 2007
Comme chacun d’entre nous, Dominique avait un visage aux contours et à l’expression uniques, inimitables. Une moniale, fervente admiratrice, sœur Cécile, se souvient de sa voix, belle et sonore. Mais que nous reste-t-il de ce visage et de cette voix ? “Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce comme la fleur des champs”…
Pourtant, nous pouvons nous adresser à Dominique, le prier d’intercéder en notre faveur, lui qui nous a promis de nous être plus utile après la mort. Alors, ne parlons pas de ce qui reste mais de ce qui demeure : “l’herbe sèche, la fleur se fane mais la Parole de Dieu subsiste à jamais”. C’est cette Parole qui nous rend contemporains de Dominique en dépit des siècles qui nous séparent, Parole qui a désormais transfiguré sa chair et modelé son visage d’éternité. De ce visage intérieur, chacun peut dessiner les traits à sa manière sans le trahir pour autant : entièrement donné à Dieu, il appartient à tous.
La face lumineuse de Dominique, regardons-la ce soir avec les yeux et le cœur du Père Duval, de l’Ordre des Prêcheurs.
Dominique savait aimer…”Il portait les détresses des malheureux dans le sanctuaire intime de sa compassion.” (Frère Jourdain de Saxe). Un sanctuaire…c’est à dire que lorsqu’il compatissait aux malheurs des autres, il n’était pas seul dans ce sanctuaire, il y avait la présence de Jésus-Christ qu’il rejoignait sans cesse dans sa prière. C’est pourquoi les rencontres qu’il faisait n’étaient jamais superficielles. Elles se prolongeaient après la conversation ; elles se prolongeaient dans ce sanctuaire de sa prière. Mais parfois aussi, c’est dans l’intimité de ce sanctuaire que tout commençait. En effet, il avait la hantise d’annoncer le salut de Jésus-Christ aux musulmans, aux païens , aux hérétiques, c’est d’eux qu’il s’entretenait avec Dieu dans le sanctuaire de son cœur, si bien que quand il rencontrait quelqu’un, celui qui était ainsi rencontré avait comme l’impression d’être attendu. Depuis longtemps, sans pouvoir le désigner, le nommer, dans son cœur, il avait prié pour celui que tout à coup, il reconnaissait. Il y avait sur son visage ce sourire qui accueillait tout homme venant à lui, sourire facilement voilé de gravité, de tristesse, lorsqu’il percevait que l’interlocuteur nouveau était de ceux-là que, depuis longtemps, il désirait rencontrer : un malheureux, un accablé, quelqu’un qui peut-être sans le savoir, cherchait Dieu.
Si grand était ce cœur pour porter la détresse de tous les hommes pour qui Jésus est mort, si grand était son cœur, il le savait, lui, trop étroit. Comment faire à lui seul pour porter toute la détresse du monde en quête de salut ? Cette flamme qui brûlait dans le sanctuaire intime de sa compassion, décuplait toutes ses autres facultés, toutes ses énergies, décuplait sa lucidité sur le monde de son temps, le poussait à des initiatives audacieuses, lui faisait déployer dans l’action tout son réalisme pratique : ce fut la fondation de l’Ordre des Prêcheurs, créé pour que se multiplient à travers le monde des sanctuaires de compassion.(…)
Aujourd’hui où nous célébrons celui qui a conduit notre cheminement à la suite du Christ, aujourd’hui encore écoutons ses conseils, scrutons la Parole de Dieu, sachons la dire, formons des communautés basées sur la prière et l’humilité de cœur. A cette condition, la petite flamme du sanctuaire, si vacillante puisse-t-elle paraître, ne s’éteindra pas”.