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21ème dimanche du Temps Ordinaire C

Fr Joseph Loubens Fortins op

Lc 13, 22-30

Mes sœurs, mes frères,

Le cri des peuples meurtris résonne jusque dans le cœur de Dieu. L’entendons-nous ? Les paroles du Christ dans l’Évangile selon saint Luc résonnent aujourd’hui avec une force toute particulière : « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice ». Jésus, sur la route de Jérusalem, nous appelle à contempler le mystère du salut à travers l’expérience concrète de l’injustice, si prégnante dans notre monde.

L’abaissement, ce chemin étroit que Jésus trace devant nous, ne consiste pas à s’humilier par la seule force de la volonté, mais à se laisser façonner, guider par l’Esprit-Saint. La porte étroite du salut ne s’ouvre ni par le statut social ni par une quelconque fréquentation religieuse, mais par l’accueil sincère de la justice et de l’amour. L’avertissement du Christ « éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice » n’est pas une condamnation arithmétique du nombre de sauvés, mais l’exigence radicale d’une authentique conversion — conversion de nos habitudes, de nos choix, de nos relations, de nos structures mêmes.

Face à la question du Paradis et de l’Enfer, beaucoup s’interrogent : l’enfer existe-t-il vraiment ? Il suffit d’ouvrir les yeux sur notre monde, sur Gaza, l’Ukraine, le Congo, le Soudan ou Haïti… Que sais-je ? Comment ne pas voir dans ces tragédies le visage de l’injustice, parfois l’ombre de l’enfer sur terre, créé par le refus de la fraternité et du respect de la dignité humaine ? Quand des hommes, des femmes et des enfants sont écrasés, privés de justice, assassinés pour des intérêts de puissance, n’est-ce pas une forme de l’enfer présent parmi nous ? L’enfer, ce n’est pas une simple idée, un dogme lointain. Il trouve racine dans toutes les situations où l’amour et la justice de Dieu sont bafoués.

L’appel du Christ, aujourd’hui, condamne tous les systèmes d’oppression, toutes les logiques humaines qui divisent et qui excluent. L’injustice n’est pas seulement une réalité individuelle. Elle devient structurelle, collective, systémique. Oui. Défendre l’humanité, c’est vivre pleinement notre foi dans l’Incarnation du Verbe, qui embrasse toute la chair humaine, qu’elle soit blessée, violée, humiliée, ou dans la joie. Il n’y a qu’une race : celle de l’Humanité entière, voulue et rachetée par Dieu. Nos sœurs et frères meurtris dans les guerres et la pauvreté sont nos prochains ; leur salut est aussi notre responsabilité.

La question théologique majeure qui se pose alors est celle de la relation entre la grâce et la liberté humaine. Le salut, donné en Jésus, appelle la réponse libre de chacun. Saint Augustin le rappelait justement : « Dieu, qui nous a créés sans nous, ne veut pas nous sauver sans nous ». La porte étroite exige notre part : un combat, un effort, une vigilance contre l’injustice sous toutes ses formes. Mais la porte s’ouvre à tous — et pourtant, tout le monde n’y entre pas. Le refus de la justice, la complicité passive devant le mal, nous tiennent éloignés du Royaume.

Aujourd’hui, nous pouvons avoir l’impression d’être impuissants face aux forces du mal, aux puissances de ce monde. Certains moments de la vie sont douloureux, insurmontables. Mais c’est là, dans cette nuit, que Dieu nous visite en profondeur et nous appelle à la fidélité. Il ne nous demande pas tout, mais seulement de rester debout pour refuser le triomphe du mal. « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice » : cette parole nous pousse à la vigilance, à l’engagement, au courage. Celui qui commet l’injustice s’oppose à la nature même de Dieu, qui est justice et amour.

Dénoncer l’injustice, ce n’est pas condamner un groupe ou une nation. C’est rappeler à chacun la dignité de l’autre. C’est dire non à toute violence qui nie l’humanité. L’injustice englobe toutes les formes de domination et de mépris. Aujourd’hui, la parole de Jésus devient un appel brûlant à la justice sociale et à la paix. Mais la première cible de ce refus de l’injustice n’est pas le pécheur manifeste, mais tout système religieux ou politique qui instrumentalise Dieu pour asseoir sa propre puissance ou fermer la porte à l’autre.

J’ai la conviction que l’Esprit-Saint agit encore, même là où tout semble désespéré — sur Gaza, l’Ukraine, le Congo, le Soudan, Haïti, et partout où la vie est broyée. Dieu n’est que lumière et amour, il ne cautionne jamais le mal. Si nous avons choisi le Christ, nous choisissons le combat contre l’injustice, ici et maintenant, à temps et à contretemps.

Ne perdons jamais l’espérance, car elle vient de Dieu et ne déçoit pas. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume leur appartient. Refusons la complicité du mal. Agissons avec foi et résolution. Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, afin que vous abondiez en espérance par la puissance de l’Esprit-Saint (Rm 15,13).

Et n’oubliez jamais :  » Là où règne la justice et l’amour, l’espérance ne meurt jamais. Soyons artisans d’espérance ! « 

Amen.