Neuvaine de St Dominique 2020
Avec le Fr Alexandre Frezzato op
1er soir – 31 Juillet : Dominique, un saint de son temps pour tous les temps
Chaque époque de notre histoire reçoit les saints hommes et les saintes femmes dont elle a besoin. Ils se lèvent au milieu de leur siècle pour éclairer d’une lumière nouvelle leurs contemporains et leur montrer de nouveaux chemins à la suite du Christ.
Pour Dominique, cette époque fut celle du début du 13ème siècle ! Un siècle particulièrement dynamique dont j’aimerais, ce soir, vous esquisser quelques grands traits pour que l’on puisse comprendre d’où émerge la sainteté de Dominique. Ainsi, durant ces prochains jours, nous aurons à l’esprit l’espace et le temps dans lesquels la sainteté de Dominique s’est déployée. En connaissant (du moins, en partie) le contexte de frère Dominique, nous pourrons mieux saisir les différents aspects de sa sainteté que nous allons explorer tout au long de cette neuvaine.
L’Europe du 13ème siècle, l’Europe de Dominique, c’est une Europe qui s’urbanise, on y voit la naissance des bourgs libres et des villes franches ; des centres urbains qui commencent à concentrer une dense activité commerciale et intellectuelle. Et qui dit densité urbaine, dit aussi augmentation des échanges commerciaux, croissance économique et démographique, hausse du niveau de vie… Du point de vue intellectuel, l’émulation est similaire : le 13ème siècle, c’est l’émergence des universités au cœur des cités médiévales. Les idées circulent avec les professeurs et les étudiants. L’éducation passe du monastère à la cathédrale, du cloître au centre-ville.
Bref, le début du 13ème siècle est un temps extrêmement stimulant et rempli de perspectives. Dans la chrétienté du 13ème siècle, l’Église est totalement partie prenante de cette nouvelle dynamique. Elle doit repenser sa présence par des initiatives nouvelles : le temps est mûr pour proposer un profond renouveau spirituel ! De nombreux mouvements religieux plus ou moins orthodoxes voient le jour : les pauvres de Lyon, les cathares, les Umiliati, les dominicains, les franciscains pour n’en citer que quelques-uns. Ces groupes religieux veulent revenir à un christianisme vécu dans la simplicité et la pauvreté évangélique (usus pauper), plus proche de l’exemple du Christ.
Le jeune Dominique est au cœur de cette nouveauté. À l’époque, il est chanoine, il étudie à l’école-cathédrale de Palencia en Espagne, il n’est pas encore frère prêcheur, mais déjà, il brûle de vivre cette radicalité de l’Évangile : on le voit lorsqu’il vend ses livres pour en donner le prix à des plus pauvres souffrant de la faim. Dans notre tradition dominicaine, on aime voir dans cet évènement une conversion de Dominique qui préfigure déjà l’œuvre du reste de sa vie.
La sainteté de Dominique n’est donc pas celle d’un homme isolé un peu marginal qui a voulu suivre un chemin à lui en faisant fi de son contexte…
Au contraire, Dominique est un saint pour son temps, tout ancré dans la dynamique de son époque et à l’écoute de ses contemporains. Il n’a pas rejeté le monde d’où il est issu, il a pris de la hauteur, certes, du recul, et, en bon réaliste, en homme de l’Évangile proche des gens, il a dépassé le constat facile d’un rejet de “la modernité” de son époque. Il a su dépasser le constat simpliste – auquel nous succombons trop souvent – ce constat qui condamne le monde ou la société comme dangereux, mauvais ou contraires à notre foi.
Il a, au contraire, choisi d’aimer son prochain et d’embrasser son époque, en apportant des réponses concrètes et adéquates aux défis de son temps. Par exemple, fonder un Ordre de sœurs et de frères aux portes de ces villes nouvelles, pour entrer en contact avec les hommes et les femmes de toutes conditions. Prêcher et vivre la pauvreté au cœur des cités, sur les places des marchés. Ou encore contempler et prier Dieu dans le silence au cœur des mouvements urbains et de ces bruits qui nous viennent de la ville.
Bref, le jeune Dominique sera saint, car il aura su, dans un contexte particulier, lire les signes des temps. Il aura su trouver les meilleurs moyens pour redonner l’Évangile à son siècle !
Au début de cette neuvaine, je nous invite donc nous aussi à prendre de la hauteur pour aller à la rencontre de notre monde, de notre époque et de nos contemporains en nous demandant, à l’aide de l’exemple de saint Dominique, comment par nos actions et par nos paroles, nous pouvons, chaque jour, sanctifier le monde et y rechercher notre propre sainteté.
Que notre Seigneur suscite les saints hommes et les saintes femmes dont notre époque a besoin !
– Amen.
2ème soir : 1er Août – Cultiver l’amitié avec Dieu dans sa Parole
Ce soir je voudrais méditer avec vous sur un aspect important et très révélateur de la sainteté de Dominique : sa relation à Dieu, son amitié avec Lui par la lecture et la prière de la Parole de Dieu. Comme je l’ai esquissé hier soir, si saint Dominique a pu discerner sa place et son rôle au sein de son siècle, s’il a pu poser un regard neuf sur son temps, c’est parce que Dominique s’est laissé forger par Dieu et par sa Parole tout au long de sa vie. Il a puisé dans les versets de l’Écriture tout ce qui est nécessaire à une personne pour prêcher la grâce de Dieu et travailler main dans la main avec Lui.
Je vous lis ici un extrait de La huitième manière de prier de saint Dominique qui nous rapporte un témoignage saisissant de cette relation à Dieu : « Le saint père Dominique […] s’asseyait tranquille, ouvrait un livre devant lui, […] ; il lisait et son esprit s’emplissait de douceur, comme s’il entendait le Seigneur lui-même lui parler, (ainsi qu’il est dit dans le psaume [84,9] : J’écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu, parce qu’il dira la paix en son peuple et sur ses saints et en ceux qui se convertissent de cœur). Comme s’il disputait avec un compagnon par gestes et en pensée, il semblait, auditeur tantôt impatient, tantôt tranquille, débattre, lutter, rire et pleurer à la fois, fixer son regard et le baisser, de nouveau parler silencieusement et se frapper la poitrine. Au curieux qui aurait voulu voir le père saint Dominique à la dérobée, il lui apparaissait tel Moïse qui était entré au cœur du désert et considérait le buisson ardent, le Seigneur qui parlait et qui le rendait humble. L’homme de Dieu [Dominique] en effet se comportait à la manière d’un prophète passant rapidement de la lecture à la prière et de la méditation à la contemplation » (PBH, p. 1236-1237).
Ce passage est frappant ! Quelle manière de lire sa bible ! Quel dynamisme de Dominique dans son rapport à Dieu ! Visiblement, en lisant l’Écriture Sainte, il est naturel pour lui de comprendre que c’est Dieu qui s’adresse à lui directement ! Il converse avec Dieu, il dialogue avec Lui comme durant une intense discussion avec un ami proche ! Aussi, la comparaison avec Moïse est loin d’être anodine : le cœur plongé dans la bible, Dominique s’entretient avec Dieu comme le Seigneur avec Moïse au buisson ardent ! En termes de relations privilégiées avec Dieu que la bible nous présente, on peut difficilement faire mieux !
Ce parallèle avec Moïse m’évoque un autre moment de la vie du prophète, lorsque Moïse s’entretient avec Dieu dans la tente de la rencontre. Là, la bible décrit ce moment avec des mots lourds de sens : « Le Seigneur parlait à Moïse face à face comme un homme parle à son ami » (Ex 33,11). Dans le récit biblique, l’ami de Dieu (le réa‘ en hébreu, le philon en grec), c’est bien plus que celui avec qui l’on se sent bien et en qui on a confiance… Le réa‘, l’ami de Dieu, c’est l’homme que l’on considère comme notre prochain, celui qui est notre partenaire de vie pour un labeur commun, pour une mission commune. Parler de Moïse comme le réa‘ de Dieu, l’ami de Dieu, et comparer cette relation à celle que Dieu entretenait avec Dominique, c’est donc placer Dominique dans une profonde intimité avec Dieu, et une intimité qui est liée à une activité commune.
Par la méditation quotidienne de l’Écriture, de la Bible, Dominique est institué ami et collaborateur de Dieu, réa‘ du Seigneur. Celui qui travaille avec Dieu, aux œuvres de Dieu. Celui qui est accompagné par Dieu.
Dieu s’allie avec Dominique pour une action commune : ramener les hommes et les femmes dans l’alliance avec ce Dieu fidèle qui se révèle à nous dans sa Parole.
C’est dans ce lieu d’intimité et de dialogue avec Dieu que Dominique a trouvé, jour après jour, l’inspiration nécessaire pour poser les bons gestes et prêcher à ceux auxquels il fut envoyé ! Voilà aussi la raison pour laquelle « Dominique exhortait et incitait souvent les frères […] par ces paroles […] à toujours étudier dans le Nouveau et l’Ancien Testament » (PBH, p. 725).
Dominique nous montre ainsi que l’enjeu de notre assiduité à la lecture et à la méditation de l’Écriture sainte est crucial. C’est là, dans ces moments secrets de lectio divina que nous cultivons notre amitié avec Dieu et notre collaboration avec Lui. C’est là que Dieu nous parle ! C’est là que nous devenons toujours plus les amis de Dieu, les réa‘ du Seigneur.
Ce soir, nous pouvons prier pour découvrir ou retrouver ce goût pour la Parole de Dieu, pour en faire, à l’exemple de saint Dominique, un lieu de dialogue incarné et authentique avec notre Seigneur.
– Amen.
3ème soir : 2 août – Chercher Dieu au moyen de l’intelligence
Hier soir, nous avons médité sur l’amitié de Dominique avec Dieu. Amitié et collaboration qu’il nourrissait sans cesse par la lecture et la méditation de la Parole de Dieu.
Ce soir, toujours à partir de l’exemple de saint Dominique, je voudrais méditer avec vous sur un autre lieu de relation à Dieu qui est particulièrement important dans une vie dominicaine. Ce lieu, c’est l’étude de la vérité, la recherche de Dieu par la raison, au moyen de l’intelligence, pour cultiver une intimité croyante avec Dieu.
Dès le départ de sa vie religieuse, le jeune Dominique a étudié la théologie, et cela durant de nombreuses années. Et au fil du temps, il en a vu les bénéfices pour sa relation à Dieu, pour son progrès dans la vie spirituelle. Il a eu une très vive conscience que donner sa vie à Dieu pour le salut du prochain implique de penser sa foi pour mieux comprendre Qui est celui que l’on cherche, et afin de pouvoir Le prêcher. Avant d’être frère prêcheur, Dominique fut théologien !
Pour illustrer la manière dont Dominique a cultivé son amitié avec Dieu par l’étude, je voudrais vous présenter brièvement un grand théologien que Dominique a très probablement lu et dont il s’est inspiré pour fonder un ordre de prêcheurs théologiens et théologiennes : ce grand théologien, c’est saint Anselme de Cantorbéry (1034-1109). Saint Anselme était un moine bénédictin, il est docteur de l’Église. (Alors qu’il était abbé de l’abbaye du Bec en Normandie,) il a écrit un livre très célèbre, un best-seller à l’époque, qui demeure encore aujourd’hui une œuvre incontournable pour tout croyant qui veut penser sa foi et lui donner des bases solides !
Ce livre, c’est le Proslogion que l’on connait mieux par son sous-titre : Fides quaerens intellectum (1078) ; La foi qui cherche l’intelligence. Je vous en lis un extrait qui a sûrement dû plaire au jeune Dominique durant ses années d’étude. (C’est saint Anselme qui parle à la première personne) : « J’ai commencé à chercher, s’il se pouvait trouver, par hasard, un argument unique qui n’eût besoin que de lui seul pour se prouver et qui seul garantît que Dieu est vraiment, qu’Il est le bien suréminent, n’ayant besoin de nul autre, dont tous ont besoin pour être, et être bien, bref tout ce que nous croyons de la substance divine. […] J’ai donné à cet opuscule le titre : La foi cherchant l’intelligence (fides quaerens intellectum). […] Et maintenant, homme de rien, fuis un moment tes occupations, […] Rejette maintenant tes pesants soucis, et remets à plus tard tes tensions laborieuses. Vaque quelque peu à Dieu, et repose-toi quelque peu en Lui. Entre dans la cellule de ton âme, exclus tout hormis Dieu et ce qui t’aide à le chercher ; ayant fermé ta porte, cherche-le. Dis maintenant, tout mon cœur, dis maintenant à Dieu : je cherche ton visage, ton visage, Seigneur, je le recherche. […] Seigneur, toi qui donnes l’intelligence de la foi, donne-moi, autant que tu le trouves bon, de reconnaître que tu es, comme nous le croyons, et que tu es ce que nous croyons ».
On voit bien dans la démarche de saint Anselme que l’étude et la prière s’interpénètrent pour ne faire qu’un seul mouvement de l’âme vers Dieu. Dans l’esprit médiéval, penser sa foi, c’est en effet vaquer à Dieu avec un cœur pieux et priant (comme dit la sagesse monastique). Faire de la théologie, c’est déjà en quelque sorte prier !
Alors, Dominique a non seulement cultivé ce type de relation à Dieu par une vie d’étude intense, mais il a aussi voulu nous transmettre ce désir pour une vie intellectuelle qui cherche Dieu en vue de Le prêcher. C’est d’ailleurs une des premières phrases du prologue de nos Constitutions primitives : « notre étude doit tendre par principe, avec ardeur et de toutes nos forces à nous rendre capables d’être utiles à l’âme du prochain ».
L’étude pour le service de la prédication, pour défendre la foi, pour soutenir et affermir la foi des croyants, pour ramener à la foi les sceptiques, et surtout, pour cultiver une amitié intelligente avec Dieu.
Je terminerai sur une conviction personnelle : à notre époque, Dieu, Jésus, la foi et même la bible, ce sont des réalités de plus en plus étrangères pour la majorité de nos contemporains… Et dans ce contexte, si j’en crois l’exemple de saint Dominique, c’est un devoir et une responsabilité urgente, pour nous, en tant que croyants et croyantes, en tant que dominicains et dominicaines, que de chercher Dieu par l’étude, de penser notre foi, pour pouvoir réduire la distance grandissante entre l’Évangile et les cœurs de nos contemporains. Nous avons là une mission magnifique et redoutable à la fois : étudier, chercher la Vérité inlassablement pour éclairer notre foi et celle de notre prochain, pour trouver les mots permettant de dialoguer avec nos contemporains…
– Amen.
4ème soir : 3 août – Saint Dominique & Saint Jean-Baptiste
Hier soir, nous avons médité sur l’importance accordée par Dominique au fait de penser notre foi, de creuser notre relation à Dieu par l’étude. Et je terminais en disant qu’il est de notre responsabilité en tant que croyants, en tant que frères et sœurs dominicains de rechercher le Seigneur au moyen de notre intelligence.
Ce soir, pour continuer à déployer la richesse de la sainteté de Dominique, j’aimerais méditer avec vous sur la proximité et l’affinité de saint Dominique avec saint Jean-Baptiste que la bible nous présente comme un grand prédicateur ! Il y a tant de familiarités entre ces deux hommes de Dieu !
J’en développerais trois qui pourront nourrir notre réflexion et notre méditation sur la personnalité de saint Dominique.
1. Tout d’abord, tous les deux sont des précurseurs : ils sont annoncés et attendus comme ceux qui viennent avant Jésus.
Parmi les récits sur saint Dominique, nous avons beaucoup de témoignages qui décrivent Dominique comme l’étoile du soir, l’apôtre des derniers temps, le prêcheur qui viendra annoncer la venue imminente du Royaume de Dieu. Dans la Légende de Pierre Ferrand par exemple, on nous dit explicitement : « De même en effet que Jean-Baptiste, telle l’étoile du matin précédant le lever du soleil, annonça le premier avènement du Sauveur, de même ce saint, Dominique, investi de l’office de l’astre du soir, au couchant de la lumière de ce monde, a précédé, croit-on, le Jugement tout proche » [c’est-à-dire le deuxième avènement de Jésus] (PBH, p. 799). Ou bien, on connaît aussi encore le songe de la mère de Dominique, Jeanne, alors qu’elle était enceinte. Songe qui est repris dans une antienne des matines pour la fête de saint Dominique : « Nouvel et céleste héraut envoyé à la fin des temps, pauvre, Dominique, a resplendi, annoncé en vision par l’image d’un jeune chien » (PBH, p. 799-800).
Comme Jean-Baptiste fut le dernier des prophètes qui clôt l’Ancien Testament et celui qui inaugura le Nouveau Testament en annonçant le Christ, Dominique est décrit par la tradition comme un précurseur et comme le prêcheur qui annonce le retour imminent de Jésus !
D’ailleurs, ne pourrions-nous pas mettre les paroles de saint Jean-Baptiste dans la bouche de Dominique ? : « Convertissez-vous, faites pénitence, car le Royaume des Cieux est tout proche ! » (Mt 3,2 ; 4,17).
2. Deuxièmement, tous les deux prêchent avec ardeur et efficacité Celui qui doit venir.
Saint Jean-Baptiste et saint Dominique sont tous deux des prédicateurs itinérants et pauvres. Leur prédication est efficace et elle est caractérisée non seulement par des paroles puissantes, mais aussi par l’exemple de leur propre vie. L’un, revêtu d’une pauvre tunique en poils de chameaux, est une voix qui crie dans le désert en avant du Verbe, et l’autre arpentant les plaines dorées du Languedoc dans son pauvre habit de laine brute, annonce l’Évangile avec un zèle ardent. Quand Jean-Baptiste prêche, ce sont des foules entières qui se convertissent et demandent le baptême. Quand Dominique prêche, il fléchit les cœurs endurcis, il redresse la foi des tièdes et il encourage ses auditeurs à la vertu, à une vie conforme à celle du Christ.
3. Enfin, troisièmement, tous les deux ont une mission dispositive à l’égard du Verbe, à l’égard de Jésus.
Dominique et Jean-Baptiste ont la même attitude spirituelle dans l’accomplissement de leur mission : ils préparent le chemin du Seigneur, ils disposent notre cœur à l’accueillir et puis, humblement, s’effacent devant sa venue. Par leur vie et par leurs voix, ils désignent le Verbe incarné et puis ils lui cèdent la place une fois qu’il a pénétré dans le cœur de leurs auditeurs. Ici encore, saint Dominique pourrait s’approprier les paroles de saint Jean-Baptiste : « Il faut que lui grandisse et que moi je diminue » (Jn 3,30), « Celui qui vient [après] moi est passé devant moi » (Jn 1,30).
Bref, je vous laisse le soin d’étoffer encore la comparaison entre notre saint fondateur et saint Jean-Baptiste, parce qu’il y aurait encore tant à dire…
À partir de ces trois ressemblances (précurseurs, prêcheurs et mission dispositive), nous pouvons retenir que saint Jean-Baptiste représente un excellent modèle de vie pour nous, frères et sœurs prêcheurs, nous qui cherchons à témoigner du Verbe par nos paroles et par l’exemple de notre vie !
Pour beaucoup de nos contemporains lorsqu’ils nous entendront parler du Christ, nous sonnerons peut-être à leurs oreilles comme des précurseurs. Pour de nombreuses personnes, nous arriverons peut-être dans leur vie avant le Christ dans la mesure où ils ne le connaissent que peu ou plus du tout…
Tâchons alors de trouver les bons mots, le bon ton, comme saint Dominique et saint Jean-Baptiste. Et, finalement, comme eux aussi, tâchons de nous retirer humblement devant le Christ. Un bon témoignage guide toujours les personnes vers la source des grâces que nous recevons pour notre vie et notre chemin de sainteté. Un bon témoignage ne s’arrête en effet jamais au(x) témoin(s)…
Que la fécondité apostolique de saint Dominique et de saint Jean-Baptiste inspire notre prédication, là où nous sommes envoyés pour témoigner de la Lumière, le Christ Jésus !
– Amen.
5ème soir : 4 Août – L’unité de l’Ordre des Prêcheurs
Ce soir, je voudrais méditer avec vous sur l’œuvre de saint Dominique : la fondation de l’Ordre des Prêcheurs.
Au milieu de l’Église de ce début du 13ème siècle, Dominique a fondé un Ordre de frères et de sœurs réunis par un propos commun : l’office de la prédication ! Unis par le même propos au service du salut des âmes, Dominique a réuni les frères prêcheurs et les sœurs “prêcheresses” comme l’écrit le Père Bedouelle. Et il l’a voulu ainsi, comme si, pour incarner la richesse de sa personnalité, il fallut que des hommes et des femmes s’unissent autour d’une même source pour mieux prêcher au monde la charité et témoigner plus fidèlement de la beauté de la vie consacrée à Dieu !
Ce soir, j’aimerais parler de vous mes sœurs, de la branche féminine de notre Ordre, car vous avez été les premières. (Et demain, je parlerai de Dominique parmi ses frères).
À propos de vous mes sœurs, Dom Guéranger a cette belle formule qui reprend un thème classique de notre tradition. Il écrit : « dans la famille dominicaine vouée à l’apostolat par essence, les Sœurs furent de dix ans les aînées, comme pour marquer que, dans l’Église de Dieu, l’action ne peut être féconde, si elle n’est précédée et ne demeure accompagnée de la contemplation qui lui vaut bénédiction et toute grâce » (L’année liturgique, t. 4, Le temps après la Pentecôte, Saint Dominique – Confesseur, p. 322).
Dom Guéranger a parfaitement cerné le cœur et l’identité profonde de notre Ordre !
Frères et sœurs dans l’Ordre sont inséparables ! Tout comme action et contemplation s’appellent mutuellement pour une prédication féconde et efficace ! C’est si vrai, qu’au temps de la fondation de l’Ordre, à Prouilhe dans l’Aude, frères et sœurs vécurent ensemble durant quelques années… Les sœurs, « spécialement députées par Dieu à la prière, […] annonçant par l’exemple même de leur vie l’Évangile de Dieu » (LCM 96) et les frères prêchant au dehors du cloître et mendiant leur nourriture pour l’ensemble de la communauté.
C’est d’ailleurs frappant de voir à quel point vos constitutions, chères sœurs, insistent sur l’unité de notre Ordre et la complémentarité de nos modes de vies ! Je cite (d’après vos constitutions) :
« Frères et moniales, par leur genre de vie, tendent vers une parfaite charité envers Dieu et envers le prochain, […]. Cependant diverses sont les grâces, avec pourtant le même Esprit, une unique charité, une unique miséricorde. Aux frères, aux sœurs […] de l’Ordre de « proclamer par le monde la bonne nouvelle du Nom de Notre Seigneur Jésus Christ » (Honorius III, 18 janvier 1221), aux moniales, de Le chercher, de penser à Lui, de L’invoquer, dans le secret, afin que la Parole qui sort de la bouche de Dieu ne Lui revienne pas sans fruit, mais accomplisse en plénitude ce pour quoi Il l’a envoyée. (Cf. Is 55,10) » (LCM 2).
Cette unité dans le Christ est une richesse et un splendide témoignage pour le monde : frères et sœurs, nous prêchons ensemble ! Vos constitutions insistent encore, je cite : « cette unité par-delà les limites de chaque monastère, atteint sa plénitude dans la communion avec l’Ordre et l’Église tout entière. L’unanimité de notre vie, enracinée dans l’amour de Dieu, doit être le vivant exemple de cette réconciliation universelle dans le Christ que nos frères annoncent en outre par la parole ».
L’ordre dominicain, la vie dominicaine, regardée avec les yeux de saint Dominique, c’est une famille harmonieuse, aux charismes complémentaires. Si on qualifie l’Ordre d’une “contemplation apostolique”, ou d’une “prière missionnaire”, on ne peut jamais séparer l’adjectif “apostolique” de “contemplation”, ni même séparer l’adjectif “missionnaire” de “prière”. En effet, si l’apostolat se retrouve esseulé et sans contemplation, ce n’est plus l’Ordre dominicain qui prêche ! Si le missionnaire se retrouve sans prière, ce n’est plus l’Ordre dominicain qui prêche ! Aussi, comme on aime le dire, si le silence est le père du prêcheur, il y a autant de frères derrière ce “silence” que de sœurs derrière ce “prêcheur.
Dominique à lui seul, prêchait le jour et priait des nuits entières. Il a estimé, et manifestement avec raison, qu’en nous réunissant frères et sœurs ensemble, nous servirions plus fidèlement et plus efficacement l’office de la prédication !
Bref, j’aime à croire que dans l’esprit de Dominique, les célèbres paroles de saint Paul ont inspiré la fondation de notre Ordre sous cette forme unifiée ! « [Dieu] a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. […] Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Co 12,25.27).
– Amen.
6ème soir : 5 Août – Saint Dominique, un frère parmi ses frères
Ce soir, j’aimerais poursuivre notre méditation sur l’Ordre des Prêcheurs en observant comment Dominique vivait au milieu de ses frères, comment il conciliait ses exigences personnelles de radicalité évangélique et son audace apostolique avec la réalité de la vie commune, la réalité du quotidien parmi ses frères.
En 1215, quand les premiers frères rejoignent Dominique pour vivre une vie régulière toute députée à la prédication et au salut des âmes, Dominique a 45 ans ! Pour l’époque, c’est un homme mûr, rempli d’expérience et de sagesse. Sa réputation et sa sainteté sont déjà bien établies… Aussi, son zèle et sa ferveur ont sûrement dû, comme souvent chez les saints, déconcerter ses nouveaux frères avec qui il partageait la vie commune. Les frères en témoignent abondamment dans les dépositions pour sa canonisation. Imaginez…, vivre avec quelqu’un qui est tellement assidu à la prière qu’il pleure pour les pécheurs des nuits entières dans la chapelle conventuelle, et puis le lendemain s’endort en plein repas au réfectoire. Ou bien imaginez frère Dominique qui arpente le milieu du chœur allant d’un côté à l’autre durant l’office pour exciter les frères à chanter plus fort les louanges et les psaumes ! Ou encore, un prédicateur tellement pris par ce qu’il prêche, tellement réceptif à la Parole de Dieu, qu’il se met à pleurer tout en prêchant et transmet ainsi le don des larmes à ses auditeurs…
Vous conviendrez qu’on ne croise pas de tels frères très souvent… Mais c’est peut-être ça un saint finalement : quelqu’un qui est si authentiquement dans sa vocation, si entier, qu’il plaît à Dieu avant de plaire aux hommes.
Et en même temps, Dominique n’est pas si extravagant… Il est parmi ses frères celui qui est solidaire, celui qui est humble, celui qui est miséricorde et douceur, celui qui leur prêche et qui les exhorte sans cesse à la charité !
Bref, il y a selon moi, une clef de lecture par excellence pour mieux saisir qui est Dominique parmi ses frères. Cette clef de lecture, c’est celle du don de soi-même pour l’unité !
D’autres de ses frères racontent par exemple qu’après avoir marché toute la journée, en arrivant dans les différentes communautés qu’il visitait, frère Dominique n’allait pas se reposer. Au contraire, il convoquait les frères, leur commentait la Parole de Dieu et s’entretenait individuellement avec chacun d’eux. Dominique est un infatigable gardien de l’unité ! Unité de la communauté, unité avec Dieu tant dans la vie intime que dans les œuvres de miséricorde et de charité ! Frère Dominique est un homme constamment animé par le souci du bien de ses frères et celui de la communauté ! Il vaque à l’unité, à l’unanimité dans la charité suivant l’exemple des premiers apôtres.
En tant que supérieur de l’Ordre, il crée des lieux de parole dans la vie commune, il rassemble les frères et leur rappelle le cœur de leur vocation : Parler de Dieu, parler avec Dieu, vivre de Dieu en frères !
En faisant passer le bien commun avant son bien propre, en étant le garant de la réalisation de l’unité parmi les frères, Dominique incarne le propos de notre règle : « pourquoi êtes-vous réunis sinon pour habiter ensemble dans l’unanimité, ne faisant qu’un cœur et qu’une âme en Dieu (Ac 4,32) » (Règle de saint Augustin). Saint Dominique sait que l’unité dans la communauté est le premier fondement d’une prédication par la parole et par l’exemple un tant soit peu féconde !
Le Père Bedouelle disait à propos de Dominique qu’il y a en lui : « la tension que vivent les fondateurs entre l’autorité charismatique et l’effacement volontaire ». Je pense que, Dieu aidant, Dominique est véritablement un modèle de sainteté rien que pour la manière si harmonieuse avec laquelle il a vécu cette tension. Aimant tout le monde et aimé de tous, il nous montre que si nous sommes persévérants et zélés dans l’observance, c’est pour être encore plus charitables et doux avec nos frères et nos sœurs, pour nous donner nous-mêmes de toutes nos forces au service de l’unité (de la communauté) !
Je terminerai avec une méditation d’un père chartreux sur le don de soi. Ces quelques phrases m’accompagnent chaque jour depuis que je suis entré dans l’Ordre et je les ai toujours associées à saint Dominique et sa relation avec ses frères : (je vous les lis) « Don de soi ! Amour ! Premier et dernier mot de toutes choses ! Le don de soi est condition de vie pour ceux auxquels on se donne. Il est plein épanouissement d’un être par l’union à tout ce à quoi il se donne et des êtres auxquels il se donne par l’accroissement qu’il leur procure. L’amour n’est pas seulement condition de vie : il se confond vraiment avec la vie même » (Augustin Guillerand, Silence cartusien, PDF, p. 29).
– Amen.
7ème soir : 6 Août – La prédication de saint Dominique (1)
Ce soir, je voudrais méditer avec vous sur la spécificité de ce nouvel Ordre que saint Dominique vient de fonder en ce début du 13ème siècle. Sa spécificité, c’est la prédication ! L’Ordre des frères Prêcheurs comme son nom l’indique est tout entier député à la prédication. C’est son ADN pourrait-on dire…
Je vais donc me risquer à parler de la prédication de saint Dominique par la parole, durant une prédication !
Alors que peut-on en dire ? Comment était la prédication de Dominique ? Qu’est-ce qui la caractérise ?
La prédication de Dominique se caractérise par son efficacité ! Elle est un témoignage de foi, une défense de la foi, une transmission vivante de la foi. Et déjà au Moyen Âge, la prédication par la parole n’a de sens que si elle console, soutient et affermit ses auditeurs dans leur relation à Dieu. Aujourd’hui encore, le pape François nous rappelle cela en parlant du prédicateur. Il dit que « [l]e prédicateur a la très belle et difficile mission d’unir les cœurs qui s’aiment : celui du Seigneur et ceux de son peuple » (Evangelii Gaudium, no 143).
Dans cette perspective, c’est la miséricorde de Dieu que Dominique prêche à ses contemporains, l’œuvre de la Rédemption dont le Christ est le centre ! Par sa prédication, Dominique donne à entendre la gloire de Dieu, il donne à entendre la réalisation des promesses que Dieu nous a acquises par son Alliance avec nous en son Fils unique.
Comme le Christ donne à voir son éclat glorieux par avance à Pierre, Jacques et Jean sur la montagne, pour les asseoir dans leur vocation de croyants et d’apôtres envoyés pour prêcher. Dominique se fait aussi, par la grâce de Dieu, instrument de cette même lumière pour la transmettre aux hommes et aux femmes de son temps. C’est comme ça que l’on peut comprendre la célèbre expression de saint Thomas d’Aquin (un autre grand saint dominicain) lorsqu’il écrit : « Il est plus beau d’éclairer que de briller seulement ; de même il est plus beau de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de contempler seulement » (Maius est illuminare quam lucere solum, ita maius est contemplata aliis tradere quam solum contemplari) (ST IIa-IIæ, q. 188, a. 6, resp.).
Dans sa prédication, saint Dominique ne semble faire que ça : donner à voir un peu de cette lumière du Christ, de cette joie spirituelle dont il vit lui-même.
Aussi, durant le Moyen Âge, une autre caractéristique de l’efficacité d’une prédication, ce sont les larmes. Les larmes du prédicateur et les larmes des auditeurs. Une prédication efficace devait émouvoir son auditeur au sens où la parole humaine du prédicateur avait si bien disposé l’oreille intérieure de l’auditeur que celui-ci recevait une parole qui venait directement de Dieu, une parole qui le touche, qui le remue et qui lui donne à penser et à prier. La prédication doit toujours être un humble instrument de la grâce qui vise la conversion concrète du prêcheur comme celle de l’auditeur.
Dans sa déposition pour le procès de canonisation de Dominique, le frère Etienne nous dit : « qu[e] [Dominique] accordait un soin constant et de l’attention aux prédications et qu’il avait des paroles si bouleversantes que très souvent, il se bouleversait lui-même, et les auditeurs avec lui, jusqu’aux larmes ».
La parole que Dominique annonce est si saisissante, si inouïe que les premiers frères qui l’ont connu disaient qu’il avait cette parole de feu, qu’il avait la “grâce de la prédication” (gratia praedicandi).
Cette grâce de la prédication, cette efficacité de la prédication, Dominique les a reçues parce qu’il fut d’abord profondément touché par la parole qu’il annonçait. Il savait d’expérience que la Parole de Dieu peut changer la vie de quelqu’un. Il avait donc conscience que prêcher cette Parole représente non seulement un magnifique privilège, mais implique aussi d’en vivre ! C’est de là que la prédication de Dominique tire son efficacité : avant de prêcher la Parole de Dieu, il l’a entendue pour lui, dans sa vie ! Et grâce à cette expérience intime et personnelle de la Parole de Dieu, Dominique sait que lorsqu’il prêche, lorsqu’il “gagne des âmes au Christ”, il n’est qu’instrument, il « ne fait pas autre chose [, comme disait saint Augustin,] que de frapper au dehors l’oreille de l’auditeur ; [tandis que] Dieu [, Lui, …] parle à l’intérieur » de l’auditeur (saint Augustin, Sermo ad Caesar. Eccl. Plebem, 9, PL 43, col. 697).
Ce soir, en cette fête de la Transfiguration, par l’intercession de saint Pierre, saint Jacques, saint Jean et saint Dominique, nous pouvons prier pour que le Seigneur fasse resplendir sa lumière en nous par sa Parole, et qu’il fasse de nous des prêcheurs et des “prêcheresses” humbles et efficaces.
– Amen.
8ème soir : 7 août – La prédication de saint Dominique (2)
En cette veille de la fête de saint Dominique, j’aimerais prolonger notre méditation d’hier sur la prédication de saint Dominique. La sainteté de Dominique s’est bel et bien manifestée dans sa prédication par la parole, mais aussi dans sa prédication par les actes, par son témoignage vivant ! Dans l’Ordre dominicain, nous exprimons ces deux aspects en disant : praedicare verbo et exemplo. Prêcher par la parole et par l’exemple.
Et j’aimerais méditer avec vous sur ce deuxième aspect de la prédication de Dominique : son exemple de vie, son témoignage par les actes !
Pour un prédicateur chrétien, prêcher la Parole de Dieu signifie avant toute chose la vivre ! Quelle légitimité possède (en effet) le témoignage de quelqu’un qui ne vit pas de la grâce tandis qu’il la prêche ? Quelle crédibilité, quelle efficacité a (en effet) le témoignage de quelqu’un sur les vertus, sur l’obéissance, sur la pauvreté et sur la chasteté s’il ne conforme pas concrètement sa vie à sa foi ? Alors, entendez-moi bien, il n’y a ici aucun jugement de ma part, je ne vise personne en particulier, mais je pense simplement qu’il est bon de se formuler ces questions, déjà pour soi, pour être en vérité avec soi-même et remettre ainsi en perspective le décalage qu’on n’aime pas trop voir (avouons-le) entre ce que l’on prêche et ce que l’on fait…
Une vie dominicaine, une vie chrétienne qui recherche authentiquement la vérité ne peut pas faire l’économie de telles questions : est-ce que je vis ce que je prêche ? Est-ce que j’essaie de toutes mes forces de vivre l’Évangile que je prêche ?
À cet égard, Dominique n’est pas saint pour rien, il avait reçu la grâce d’unifier en lui ces deux dimensions, il avait réussi à harmoniser sa vie avec sa parole et inversement. D’ailleurs, son exemple de vie suffisait aux futurs frères pour les convaincre de le rejoindre et aux incroyants pour se convertir.
Les paroles de ses prédications ne venaient finalement qu’accompagner au moyen des mots ce qu’il vivait déjà par ses actes…
Par exemple, lorsque Dominique exhorte ses frères à la pauvreté volontaire, c’est parce qu’il vit déjà à plein de la pauvreté. De même lorsqu’il invite les légats pontificaux à troquer leurs montures pour arpenter le Languedoc à pieds, c’est parce qu’il sait que derrière ce renoncement, il y a un enjeu d’authenticité, de vérité évangélique, condition de la fécondité de leur prédication auprès des plus petits.
Lorsque Dominique fait observer le silence à ses frères, c’est parce qu’il sait que dans ce silence, ils pourront s’entretenir plus aisément avec Dieu sans se disperser dans des bavardages inutiles et des vaines paroles.
Quand il exhorte ses frères et ses sœurs à la prière assidue et à l’étude, c’est qu’il en vit déjà et en recueille quotidiennement les fruits pour sa propre prédication et sa relation à Dieu.
En clair, l’exemple de vie de Dominique, comme ses paroles, renvoient sans cesse ses frères, ses sœurs, ses auditeurs, les personnes croisées sur la route, à leur vocation profonde : cheminer avec Dieu à la suite du Christ pauvre et obéissant.
La prédication de saint Dominique par l’exemple est finalement comme celle d’un parent à son enfant, celui-là doit sans cesse avoir le souci de transmettre le meilleur et le plus utile à son enfant pour que celui-ci s’épanouisse du mieux qu’il soit et qu’il découvre petit-à-petit son propre chemin vers le bonheur, son chemin de Vie avec Dieu… En ce sens, la prédication verbo et exemplo est une “tradition”, une transmission d’un père, Dominique, à ses filles et à ses fils pour qu’à leur tour, ils prêchent ce qu’ils vivent et qu’ils vivent ce qu’ils prêchent !
Suivant l’exemple de saint Dominique, prions pour que Dieu, notre Père, nous donne d’être de fidèles témoins de son Fils par nos paroles et nos actes !
– Amen.
8ème soir : 8 Août – Le charisme dominicain aujourd’hui
Durant ces huit derniers jours, nous avons prié avec notre frère saint Dominique et nous avons exploré de nombreux aspects de sa sainteté !
(Jour 1) Le premier soir, nous nous sommes plongés dans le contexte de Dominique, le début du 13ème siècle. Nous avons vu comment, en homme réaliste enraciné dans son époque, il a su mettre en œuvre une réponse adéquate aux défis de son temps, et surtout comment il envisageait son rapport au monde en étant religieux et frères de tous.
(Jour 2 et 3) Puis, les deux soirs suivants, nous avons médité sur la relation de saint Dominique avec Dieu, sur cette collaboration intime que Dominique cultivait par une méditation et une étude assidue de la Parole de Dieu. C’est là que Dominique a compris qu’être ami du Seigneur, c’est être accompagné par Dieu dans le don de soi-même pour son prochain.
(Jour 4) Le quatrième jour, je vous ai proposé une méditation mettant en évidence quelques ressemblances entre saint Dominique et saint Jean-Baptiste : deux précurseurs de Jésus, deux grands prédicateurs qui disposaient les cœurs à la conversion et à l’accueil de la venue du Verbe incarné.
(Jour 5) Le jour d’après, nous nous sommes tournés vers l’œuvre majeure de Dominique : la fondation d’un Ordre de prêcheurs et de “prêcheresses” ; frères et sœurs, ensemble réunis dans l’unité et la complémentarité d’un même charisme au service de la charité vécue et prêchée !
(Jour 6) Le sixième jour, nous avons observé comment Dominique vivait au milieu de ses frères, tel un simple frère parmi les frères… Cela nous a permis d’avoir une idée encore plus claire de quel homme il était, par son dévouement, par son zèle pour l’unité, par son amour inconditionnel pour ses frères et ses sœurs.
(Jour 7 et 8) Puis, hier et avant-hier, il ne nous restait plus qu’à méditer sur le cœur de la vocation de Dominique, ce pourquoi Dieu l’avait spécialement mis-à-part : la prédication ! Cette prédication efficace et féconde de saint Dominique qui était un témoignage vivant par les mots comme par l’exemple !
Et aujourd’hui alors, en ce jour de fête de saint Dominique, que dire encore ? …
Peut-être que nous pouvons simplement nous demander ce que Dominique nous dirait aujourd’hui ? À quoi est-ce qu’il nous appellerait aujourd’hui, frères et sœurs, s’il était là ?
Alors, pour ne pas inventer une exhortation qu’il n’a pas faite, je crois qu’il est plus sage de nous souvenir de ce qu’il a dit lui-même ! Parmi toute la richesse de la tradition qui raconte la sainteté de Dominique, nous pouvons retenir deux de ses paroles :
1. Une première parole, celle d’un saint et sage homme à ses frères sur son lit de mort. Frère Dominique nous a en effet laissé un testament tout à son image : sobre et profond ! Il s’en tient à l’essentiel, il nous dit : « Ayez la charité, conservez l’humilité, possédez la pauvreté volontaire ! » (PBH, p. 380 et 844).
« Ayez la charité, conservez l’humilité, possédez la pauvreté volontaire ! ».
Au moment de quitter ce monde pour rejoindre Celui qu’il a cherché et prêché sans relâche toute sa vie, Dominique nous laisse en toute simplicité, tout ce qu’il estime nécessaire à la poursuite de l’idéal chrétien et dominicain. Il nous laisse son Ordre, c’est-à-dire sa « charité même […] réalisée dans l’espace et dans le temps » (Bernanos, p. 11) comme disait Bernanos. Il nous laisse avec le véritable propos de la vie dominicaine : la charité comme finalité, avec l’humilité et la pauvreté comme moyens pour être d’authentiques témoins du Christ à notre tour dans notre contexte !
2. Mais ce programme serait incomplet sans une deuxième parole de Dominique : une parole qui semble plus anecdotique, et pourtant une parole si lourde de sens pour tout croyant. Saint Dominique a dit : « Allez avec assurance, parce que le Seigneur vous donnera la parole de prédication et sera avec vous, et rien ne vous manquera » (PBH, p. 719).
« Allez avec assurance ! ». Saint Dominique nous invite à notre tour aujourd’hui à la prédication itinérante, à un mouvement apostolique. Il nous envoie !
Il a voulu nous faire comprendre que le Seigneur accompagne ceux et celles qui se mettent en route, ceux et celles qui sortent de leur zone de confort et qui osent le mouvement pour prêcher le nom de Jésus. Il nous invite à la mission : une mission intérieure par la prière et la contemplation et, une mission extérieure par la prédication. Saint Dominique nous rappelle la nécessité de ce mouvement de l’âme et du corps pour nous garder de tout embonpoint spirituel !
Il nous rappelle que lorsqu’on est envoyé, Dieu est avec nous !
Alors à notre échelle, dans nos contextes de vie à chacun et chacune, mettons-nous en mouvement pour prêcher les mots même de Dieu, avec la charité comme horizon, l’humilité au cœur et la pauvreté volontaire. C’est Dominique lui-même, à la suite du Christ, qui nous montre le chemin !
Que notre vie soit une contemplation apostolique, que notre vie soit une prière missionnaire !
« Allons avec assurance » !
– Amen.